Il s’agit d’un "avant-projet", pour être précis. Mais la mécanique mise en œuvre est claire : la concertation en lieu et place de la méthode antérieure clairement axée sur un rapprochement forcé entre la région et les départements.
L’avant-projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique prévoit quelques innovations essentielles dont on peut relever la mécanique générale. Tout d’abord, il crée un "haut conseil des territoires", auprès du Premier ministre (manière de dire que la République reste une et indivisible, mais qu’elle est à l’écoute de "territoires" et non pas de ses "collectivités territoriales".
Il crée aussi des "conférences territoriales de l’action publique1", qui démontrent la volonté affichée de promouvoir l’action publique et d’en imaginer le développement diversifié selon les "territoires" envisagés (nouvel article L1111-9 du Code général des collectivités territoriales).
Et d'ajouter un article L1111-9-1 très évocateur à ce sujet : "la conférence territoriale…constitue le cadre…du dialogue entre l’Etat et les collectivités…où sont évoquées les déclinaisons nationales de politiques publiques liées aux compétences des collectivités territoriales" (c’est nous qui soulignons).
On notera dans le corps du texte que la région est en charge de la "préservation de l’identité de la région", un classique dans les démocraties occidentales où le régionalisme, sous des formes variées, progresse.
Il s’agit, à travers ces instances, de "clarifier les interventions publiques sur les territoires de la région et de rationaliser l’organisation des services des départements et des régions". De clarification, la répartition des compétences a en effet besoin : qui peut encore imaginer que région et départements travaillent de leur côté lorsque le voyageur a besoin d’intermodalité et de multimodalité, et qu’il ignore superbement les frontières administratives qui datent du XIXe siècle ?
L’approche initiée par la loi de décembre 2010 sur la mutualisation des services reste d’actualité. La conférence territoriale émettra un avis sur le projet de schéma destiné à optimiser l’organisation des compétences décentralisée. Rappelons que le précédent gouvernement avait imaginé un processus de rapprochement forcé de la région et des départements, à travers un processus de schéma d’organisation à élaborer conjointement, dans les six mois suivant l’élection du futur-ex conseiller territorial dans l'objectif de mutualiser leurs actions.
Le projet
Ce n’est pas une formule : "le conseil général (ou régional) règle par ses délibérations les affaires du département". Il ne les règle plus "dans les domaines de compétence que la loi lui attribue". Clairement, l’avant-projet de loi sonne le glas d’une répartition (à marche forcée ?) ferme et définitive des compétences entre la région et les départements.
De même disparaissent les notions de "compétence exclusive" ou "partagée". L’orientation est clairement celle de la concertation, y compris au stade de mise en œuvre des "projets". La "mécanique" exposée ci-dessous, permettant d’aller plus loin, parfois, lorsque les conditions sont réunies.
Quelques ajustements sont ainsi apportés :
- concernant l’Etat et les services réguliers non urbains : ils peuvent être autorisés par l’Etat "à condition qu’ils ne compromettent pas l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport terrestre de personnes" (nouvelle rédaction de l’article L3111-3 du Code des transports);
- concernant les régions : une région peut passer une convention avec une autre, limitrophe, pour l’organisation d’un service régulier non urbain qui "dessert exclusivement ces deux régions à condition que ce service ne compromette pas l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport terrestre de personnes". (nouvel alinéa à l’article L3111-2 du Code des transports);
- concernant les agglomérations : elles deviennent des autorités organisatrices de mobilité durable et à ce titre, elles "veillent à l’organisation de l’autopartage, du coivoiturage et du vélo en libre-service" (nouvel article L1231-1 du Code des transports). A défaut de devenir un service public, comme c’était souhaité, l’autopartage sera labellisé. Des sujets chers au GART et à l’UTP;
- Dans chaque région, et non pas la région au titre de "chef de file" (la région ne pesant que pour le tiers), est créé un "syndicat régional de transport" qui regroupe la région, les départements situés sur le territoire régional et les autorités organisatrices de la mobilité durable (de plus de 100 000 habitants) situés sur ce même territoire. Il sera créé dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi. Il sera chargé de l’élaboration d’un schéma régional de transport, celui prévu par les articles L1213-1 à L1213-3 du Code des transports.
Il aura de plus en charge :
• la coordination des services de transport organisés par ses membres,
• la mise en place d’un système d’information multimodale,
• et de tarification coordonnée.
Un texte finalement très proche de la préconisation du sénateur Yves Krattinger présenté notamment lors du Congrès de la Fédération Nationale des Transports de Voyageurs (FNTV), le 10 octobre dernier. La fédération qui a obtenu gain de cause, car "en lieu et place de ses membres", le syndicat "est en charge de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion d’une gare routière", telle que définit par une ordonnance de 1945. Cerise sur le gâteau, il se voit doter d’une ressource : le versement transport complémentaire.