Les fédérations d’industriels du ferroviaire de France et d’Allemagne s’en vont en guerre contre les Japonais. Dans un communiqué conjoint du 15 mars dernier, elles s’insurgent contre la possible candidature du groupe Hitachi Rail à un appel d’offres de la Deutsche Bahn, alors que le Japon reste fermé aux candidatures européennes.
Les appels d’offres dans le ferroviaire doivent se faire dans la réciprocité. Tel est l’appel conjoint lancé le 15 mars dernier par les fédérations d’industriels du ferroviaire de France (FIF) et d’Allemagne, la Verband der Bahnindustrie (VdB), aux gouvernements des deux pays. "La VdB et la FIF demandent à ce que [..] les entreprises japonaises ne puissent à ce jour bénéficier de la possibilité de soumissionner aux appels d’offres lancés par des entités publiques européennes relevant du secteur ferroviaire ou du transport urbain", peut-on lire dans le communiqué. En clair, le marché européen du ferroviaire doit être fermé aux industriels japonais.
A l’origine des tensions : un appel d’offres de la Deutsche Bahn allemande concernant 60 rames de trains de banlieue pour le S Bahn de Hambourg et pour lequel le groupe nippon Hitachi Rail entend bien se positionner. Problème : alors que les Japonais se lancent sur les appels d’offres européens, le gouvernement nippon, pour sa part, "refuse toujours de modifier sa position et son marché reste fermé aux produits ferroviaires européens", précise le communiqué.
Un déséquilibre concurentiel
Face à cette situation "inacceptable", les deux fédérations incitent les gouvernements français et allemands à veiller de "façon drastique à ce que l’argent public des contribuables ne contribue pas à favoriser de tels déséquilibres concurrentiels potentiellement destructeurs d’emplois dans l’industrie ferroviaire européenne". La VdB et la FIF en appellent également à l’Union européenne qui doit "se doter d’un instrument législatif, efficace, uniforme et suffisamment persuasif, afin d’établir une véritable réciprocité dans l’accès aux marchés publics des pays tiers".
Selon Jean- Pierre Audoux, délégué général de la FIF, le gouvernement nippon avance deux arguments principaux pour justifier son approche : "Le Japon est un pays sismique, et aux yeux des dirigeants politiques, seules les entreprises japonaises sont capables de développer des trains respectant les normes. De plus, la fermeture des marchés est justifiée en raison d’un problème de cadencement. Au Japon, les lignes sont extrêmement cadencées et pour des raisons de sécurité, seules les offres japonaises sont considérées".
Ces frontières fermées au ferroviaire européen n’ont rien de nouveau. Comme le rappelle Jean- Pierre Audoux : "Seulement 2 à 3 % du secteur était exporté de l’Europe par le Japon, notamment au niveau de systèmes de freinage". Ce qui change désormais, c’est que les industriels nippons tentent de se développer sur de très gros marchés mondiaux, dont l’Europe, alors qu’auparavant, ils se concentraient plus au niveau de l’Asie. Ainsi, la société Hitachi Rail n’en n’est pas à son premier coup d’essai sur le marché européen. Elle a déjà réussi à décrocher (de manière quasi-officielle) le contrat Agility Trains en Grande-Bretagne (ce qui correspond à 530 voitures pour une valeur de 4,5 milliards d’euros). Le délégué général de la FIF tient tout de même à préciser que "ce n’est pas la qualité des produits japonais qui est contestable, mais bien la non-réciprocité".