Lancées en mai, les deux navettes fluviales bordelaises ont connu diverses mauvaises fortunes. Elles sont aujourd'hui à l'arrêt pour maintenance.
Il y a comme un sentiment de déjà vu pour les usagers des transports en commun bordelais. Treize ans après le lancement chaotique du tram, se sont les navettes fluviales qui suscite la moquerie, voire l’irritation. Il faut dire que malgré un lancement tonitruant, les bateaux ont une fâcheuse tendance à tomber en panne.
Les deux navettes fluviales, baptisées "BatCub", ont fait leur apparition sur la Garonne le 2 mai. Pour l'AOT (Communauté urbaine de Bordeaux – Cub), comme pour l'exploitant (Keolis), le pari est ambitieux. Le fleuve est large, charrie de nombreux débris et est soumis à un fort courant ainsi qu'aux marées. Les Batcub sont annoncés comme le quatrième maillon de la chaîne de transport de l'agglomération, après le tram, les bus et les Vcub (vélos en libre-service). Et le succès est au rendez-vous lors de premières traversées. On se bouscule sur les quais de Bordeaux pour monter à bord des navettes aux doux noms de La Gondole et L'Hirondelle. En juin, le "rush" de la Fête du fleuve se passe sans aucun incident, avec des pointes à plus de 1000 passagers transportés quotidiennement.
Et puis... patatras. Le 7 juillet une panne moteur intervient alors que 38 personnes se trouve à bord de La Gondole. Le capitaine ne peut redémarrer le bateau, qui fini par s'encastrer sur la pile d'un pont. Aucun blessé n'est à déploré, mais la source du problème technique reste à découvrir. Par précaution, le second BatCub, L'Hirondelle, est également arrêté pour inspection.
Catamarans hybrides "uniques au monde"
Les techniciens du Chantier naval Dubourdieu, qui ont fabriqué les bateaux, se mettent à l’œuvre pour remettre en état le bateau accidenté et comprendre la raison de la panne. Pas si évident, car ces navettes fluviales sont des prototypes. La Cub a voulu des bateaux propres pour la navigation sur Garonne, et il a fallu beaucoup d'innovation (et d'argent) pour produire les BatCub. Ces bijoux technologiques sont "uniques au monde", selon Emmanuel Martin, gérant des chantiers naval Dubourdieu. Pour concevoir les catamarans, ce dernier a collaboré avec CAI, constructeur en navire aluminium, Orion, cabinet d'architecture, Saft, constructeur et développeur du stockage de l'énergie avec la technologie Lithium... Car les BatCub sont des bateaux hybrides, dont le coût unitaire avoisine le million d'euros.
Le 30 août, La Gondole fait son retour sur la Garonne. Keolis et Chantier naval Dubourdieu réunissent la presse pour délivrer un message rassurant. "Nous avons effectué une vérification complète de tout le système, explique Emmanuel Martin. Nous avons affaire à un mode de propulsion très novateur qui a occasionné quelques soucis. Nous avons sécurisé la connectique, repris la câblerie et simplifié l'accès au système". Et Hervé Lefevre, Dg de Keolis Bordeaux, de préciser : "A peine livrés les bateaux sont entrés en exploitation. Il n'y a pas eu de phase de déverminage. Quand un tramway est lancé, il fonctionne deux mois à blanc. Nous n'avons pas eu de phase de test avec le BatCub. Et l'accident du 7 juillet ne doit pas faire oublier que ce bateau est construit pour vingt ans". Des propos rassurants qui sont complètement tombés à l'eau dès le surlendemain, quand la navette fluviale a connu une nouvelle avarie.
Deux bateaux de remplacement
Les deux bateaux sont actuellement en réparation. Les frais engendrés sont payés par le chantier naval Dubourdieu, Keolis ne prenant en charge que les réparations sur la rambarde et la cabine suite à l'accident du 7 juillet. C'est donc depuis le bateau officiel de secours (un bateau classique à énergie thermique) que le service continue d'être assuré. Keolis a également fait appel à un bateau taxi en attendant l'arrivée d'un second bateau de secours plus grand. Difficile de faire moins alors que les discussions pour la future DSP viennent de débuter...
Une fois les BatCub remis à l'eau, Keolis pourra enfin lancer sa campagne de communication destinée à faire connaître les navettes fluviales aux Bordelais. Car il reste un écueil à surmonter pour l'exploitant : attirer les actifs, et non les touristes et curieux désireux de découvrir la Garonne pour le prix d'un ticket de tram. "La fréquentation est conforme à nos attentes, avec en moyenne 800 passagers par jour, indique Hervé Lefevre. Nous savions que nous allions rencontrer des passagers curieux dans la phase de lancement. Avec la rentrée et le cadencement entre les deux rives, nous souhaitons attirer un nouveau public". Des propos tenus avant l'incident du 1er septembre...