Lignes nationales : quand le réel tempère l'optimisme
Les chiffres sont un peu gonflés, ou bien s’agit-il d’intégrer les prévisions des opérateurs, forcément optimistes, comme l'est le ministre de l’Economie, lorsqu’il s’agit de faire un premier bilan de l’ouverture du marché de l’autocar. Les 600 véhicules empruntés par un demi-million de voyageurs par exemple. Le chiffre inclus sans doute une partie des lignes d’Eurolines, des lignes internationales et non strictement des lignes nationales libéralisées.
Mais il est incontestable que les chiffres sont bien meilleurs que sous le régime ancien, avec de simples autorisations de cabotage sur des lignes internationales. Le marché était bridé, l’ouverture permise par la loi Macron a desserré la contrainte. Pas moins de 1000 emplois créés dit-on. On peut en douter, mais il est certain que Ouibus et Isilines, l’Allemand Flixbus et Starshipper, ont offert de l’activité, surtout de l’emploi à temps plein aux conducteurs affectés à la desserte des 146 villes et aéroports français désormais desservis, parfois en correspondance avec des villes européennes à hauteur de 2000 mouvements par jour.
Après une première période d’observation, les opérateurs fourbissent donc leurs nouvelles armes. L’une d’entre elle va consister à offrir des prestations pour des distances inférieures à 100 km, le seuil de régulation. Evitée pour le moment, ce type d’offre apparaît maintenant nécessaire : il est probable même que en dehors des lignes longue distance à bas coût (type Mégabus), ce seront les lignes intermédiaires, les dessertes intercités qui seront les plus rentables.
Des lignes qui offriront donc demain des emplois durables. Reste une inconnue : la réaction des autorités organisatrices de la mobilité. Celles-ci se montrent peu favorables à des services libéralisés qui pourraient concurrencer les services publics qu’elles proposent aux usagers. Même s’il en résulte une subvention publique, elles considèrent qu’il leur appartient d’offrir de tels services à la population, plutôt que de laisser l’initiative privée présenter cette offre.
L’échec des gares routières
Mais un autre obstacle pourrait bien freiner le développement des services libéralisés. Les gares routières ont en effet peu à peu disparu de nos villes. Et lorsqu’elles renaissent, pour favoriser l’intermodalité, notamment des lignes par autocar et des réseaux urbains ou ferroviaires, elles restent de fait réserver aux missions de service public.
La tendance commence maintenant à apparaître au grand jour : les autorités organisatrices de la mobilité ne veulent pas des autocars Macron dans leurs agglomérations. Elles privilégieront toujours les missions de service public. Ainsi, à Nantes, une nouvelle installation avait-elle été promise aux autocaristes exploitant des services libéralisés. Ils iront ouvrir leurs portes aux passagers dans une rue adjacente, et moyennant une tarification. Idem à Marseille, où les prix du stationnement flambent : passant de 6 à 22 euros pour les lignes Macron.
Rien n’est donc fait pour favoriser, côté AOM, le développement de ce marché. Pas sûr que nos concitoyens comprennent. Le sujet reste un enjeu pour Bercy, mais dans les limites fixées par la répartition des rôles, et notamment la compétence des autorités organisatrices de transport. Ainsi, elles ne seront jamais obligées de mettre en place les équipements et infrastructures nécessaires. Au mieux, l’ARAFER prévoit-elle de fixer des règles de libre et égal accès, et de prévoir des recommandations, notamment en matière tarifaire.
De la "soft law" donc, qui pourrait bien limiter l’impact de l’ouverture du marché de l’autocar. Sans compter que cette ouverture semble pour le moment profiter surtout à Ouibus, la filiale de l’opérateur ferroviaire, qui n'est lui-même pas mis en concurrence pour les services ferroviaires nationaux et régionaux.