Le Premier ministre, Manuel Valls, a confirmé hier, 22 juin, une information relayée par les médias : l’écotaxe sera remplacée par des "péages de transit", qui couvriront 26% du réseau initial, et divise par deux les recettes attendues.
C’est un nouveau coup de théâtre pour l’écotaxe. Le dossier, qui s’est heurté à de violentes contestations, en Bretagne notamment avec les Bonnets rouges, avait été suspendu sine die en janvier dernier, après trois reports depuis 2010 (sa date de mise en vigueur, à l’origine). Cette taxe sur les poids lourds devait financer 122 projets de transport collectif, et répondre à des objectifs anti-pollution. En compromis, le Premier ministre, Manuel Valls, a déclaré hier, 22 juin, à Trèbes (Aude) que le dispositif écotaxe serait remplacé par des "péages de transit", qui taxeront les poids lourds de plus de 3,5 tonnes sur 4000 kilomètres (contre 15 000 kilomètres pour l’écotaxe).
Prévus pour le 1er janvier 2015, ces péages alimenteront l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) à hauteur de 500 millions d’euros (contre un milliard que devait récolter l’écotaxe). Selon le Premier ministre, "ce péage de transit sera instauré sur les itinéraires de grand transit qui subissent un trafic supérieur à 2500 poids lourds par jour", selon le principe d’utilisateur-payeur. Seuls les véhicules agricoles ainsi que ceux dédiés à la collecte de lait et au cirque en seront exemptés. Ecomouv’, la société chargée d’installer les infrastructures écotaxe, "fera l’objet d’avenants", et sera à nouveau sollicitée. Par ailleurs, le gouvernement "engagera des discussions avec Ecomouv’ qui pourront aller jusqu’à une montée au capital de la société par la puissance publique", a précisé Manuel Valls.
"Un faux compromis"
Ce retournement de situation, qualifié de "faux compromis" par l’Association pour la gestion indépendante des réseaux de transport (Agir), est loin de faire l’unanimité, jugeant ce projet de "catastrophe financière", doublée d’une "menace juridique". Et d'ajouter : "Le consortium Ecomouv’ qui a installé des portiques sur plus de 15 000 kilomètres, va vraisemblablement réclamer une indemnisation pour compenser le préjudice subi", défend-elle. Pour la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), l’intention est bonne, mais "le réseau routier taxé est beaucoup trop restreint. […] Le produit net sera maigre, moins de 300 millions d’euros". Même constat pour le Groupement des autorités responsables de transport (Gart), qui demande expressément au gouvernement de rechercher "d’autres sources de financement comme par exemple en taxant les sociétés d’autoroutes bénéficiaires des reports de trafic ou de diesel".
Pour l’Organisation des transporteurs routiers européens (Otre), catégorique, "il n’est pas question que les transporteurs routiers français soient obligés de s’acquitter d’une taxe dont les recettes serviront quasi uniquement à rémunérer la société Ecomouv’." Sans surprise, les Bonnets rouges se sont également montrés virulents : "C’était non à l’écotaxe, ce sera non au péage de transit poids lourds !". Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’Europe écologie les verts (EELV), a dit recevoir le projet "assez fraîchement" devant le Grand Jury, organisé par RTL, le Figaro et LCI. Pour elle, cette "taxe a minima", qui serait le fruit des "lobbies routiers", doit encore faire ses preuves. Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie en charge des transports, s’est défendue sur France Inter : "Quand j’entends ceux qui disent que ce n’est pas assez, et d’autres qui disent que c’est trop, ça prouve que la solution retenue est une solution d’équilibre".