L’inauguration du tramway de Tours, qui aura lieu le 31 août prochain, clôt un long chapitre mélodramatique, de débats houleux et de bagarres politiques. La capitale ligérienne tient enfin sa première ligne de tram, plus de dix ans après Orléans, qui a pris une longueur d’avance en mettant en service l’été dernier sa seconde ligne.
Après de longs mois de travaux et d’essais, le tramway – 21 rames du Citadis construit par Alstom – est fin prêt à accueillir les 54 900 voyageurs attendus chaque jour sur cette première ligne de 15 km, qui reliera en quarante cinq minutes le nord de Tours à Joué-lès-Tours. Selon le SITCAT (Syndicat intercommunal des transports en commun de l'agglomération tourangelle), qui table en outre sur une augmentation de 27% de la fréquentation des bus du réseau Fil Bleu, elle va toucher, dans un rayon de 400 m de ses 29 stations, 62 000 habitants, 31 000 emplois, 14 000 étudiants et 9000 scolaires. Pour les élus locaux, cet argument justifie à lui-seul la nécessité d’investir les 408 millions d’euros (hors taxes) de ce projet. Régine Charvet-Pello, directrice de RCP, la société qui a conçu le design, est "fière" du résultat de ce tram appelé le "Curseur", qui sera "une vitrine pour la ville". Pour ce faire, elle a employé les grands moyens en réussissant à convaincre l’artiste Daniel Buren de dessiner les grandes lignes du projet et tous les aménagements urbains qui l’accompagnent, à l’image des kiosques "attrape-soleil" et des totems (une dizaine de panneaux à quatre faces présentent le tramway et ses à-côtés aux visiteurs). Dans chacune des 29 stations, il a apposé sa célèbre signature : trois bandes noires et blanches à la verticale, lesquelles rejoignent un même marquage horizontal au sol, tous deux formant un angle droit à l’ouverture des portes. Plus qu’un simple projet de transport public, l’originalité du tramway de Tours est d’avoir été imaginé telle une œuvre urbaine, une architecture en mouvement et "un quatrième paysage de la ville, après la Loire, les jardins et le patrimoine bâti", rapporte Régine Charvet-Pello. Les parois en miroir du tram ont ainsi été imaginées pour "réfléchir le paysage comme le feraient les eaux de la Loire". Daniel Buren est tout aussi emballé par "ce tramway qui redessine Tours". Il donne tout le loisir aux voyageurs de redécouvrir la ville : "Le haut de la Tranchée, par exemple, est certainement une des plus belles vues que l'on puisse avoir lorsque l'on est dans le tramway". Il s’émeut devant ce panorama "très spectaculaire", qui donne "le sentiment de plonger vers la Loire et la ville".
Une belle équipe pour sa conception
Pour ce projet, adopté en 2007 et déclaré d’utilité publique fin 2010, Régine Charvet-Pello s’est entourée d’une belle équipe d’experts : Roger Tallon, le designer du TGV (décédé en 2011), le musicien Louis Dandrel, le géographe et urbaniste Jacques Levy, le plasticien et "sculpteur lumière" Patrick Rimoux et Serge Thibault, professeur en aménagement à l’Université de Tours. La construction de cette première dope l’économie locale. Pour le chantier, une vingtaine d'entreprises a été sélectionnée pour les travaux d’étude (pour 25 millions d’euros). La réalisation du réseau a nécessité une enveloppe de 200 millions d’euros, dont une moitié est revenue à des entreprises du cru. Colas Centre-Ouest avait obtenu le lot le plus important des travaux publics, les parkings de la Tranchée pour 16,4 millions d'euros et la construction du pont du Cher pour 16,8 millions d'euros en partenariat avec avec Screg Ouest et Sacer Atlantique. A l’image du tramway de Bordeaux, celui de Tours est alimenté par le sol entre la gare et la place Choiseul, au pied de la Tranchée.
Des riverains et commerçants sceptiques
En dépit de cette inauguration, fruit de longs mois de travaux qui ont éventré le cœur de ville, les polémiques continuent. Le tramway ne fait pas le bonheur des commerçants et de certains riverains de l'avenue Maginot à Tours. Ils critiquent le tracé qui est commun avec les voitures sur plusieurs centaines de mètres, dénoncent la suppression des places de parking et craignent pour la sécurité des piétons comme des cyclistes. L’intervention de Daniel Buren tout au long du tracé, du parking relais sud à Joué-lès-Tours, gare de Tours, place Anatole-France, place Choiseul, place de la Tranchée et parking relais nord près du lycée Vaucanson, suscite aussi le scepticisme d’une partie de la population, qui juge trop couteuse le montant de sa facture (311 000 euros). La fourniture et la pose des totems de la place de la Tranchée ont ainsi coûté 110 000 euros. Les kiosques attrape-soleil ont été évalués à 201 000 euros. Pour Jean Germain, le maire PS de Tours, ces œuvres, dont le coût représentent à peine 1% du coût total de la ligne Tram, vont attirer des touristes étrangers. Les élus locaux sont certains que les Tourangeaux vont rapidement apprivoiser ce "Curseur", considéré comme l’un des plus tramways de France. Et peut-être même au-delà.