Le 3 décembre 2012, l’Association des journalistes ferroviaires (AJF) recevait Yves Putallaz, le rapporteur de l’audit sur l’état du réseau ferré français qui avait été remis à Frédéric Cuvillier, ministre des Transports le 15 octobre 2012.
Cet audit a été commandé par l’Etat et Réseau Ferré de France (RFF), et a été réalisé, comme celui de 2005, par une équipe de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Elaborée par les mêmes chercheurs(1), il s’agit d’une analyse "revisitée", qui fait également le bilan des actions réalisées sur le réseau depuis le précédent audit. Tout en proposant des orientations à mettre en œuvre durant les prochaines années.
"Trois points majeurs sont abordés, précise Yves Putallaz, rapporteur de l'audit. Le périmètre du réseau, sa substance (les infrastructures) et les mesures proposées". Avec, dans chaque cas, un bilan comparatif par rapport au précédent audit.
Les premier et second points avaient été longuement et profondément abordés dans l’audit de 2005. Ils avaient été alors l’occasion de tirer la sonnette d’alarme, puisqu’il était précisé que sans mesures importantes et rapides de conservation et surtout de renouvellement, le tiers du réseau ferré pouvait disparaître. On mettait également en valeur la "fragilité" de la coordination des acteurs du transport dans de nombreuses régions avec une concurrence entre TER et autocars départementaux, qui ne profitait à aucun des réseaux.
Depuis, d’importants travaux de renouvellement ont été réalisés et, globalement, les dépenses de renouvellement ont été doublées. Ce qui a amené à profondément modifier la proportion entre dépenses de renouvellement et d’entretien qui, en France, était de l’ordre d’un tiers contre deux tiers, l’inverse de celle des autres réseaux européens. Désormais les deux types de dépenses s’équilibrent à 50/50, et si l’effort se maintient, la proportion des deux-tiers/un tiers pourrait être atteinte à l’horizon 2020. Une évolution rapide puisqu’en Suisse, "il aura fallu vingt ans pour atteindre ces proportions", constate Yves Putallaz.
Cependant, cet effort de renouvellement a essentiellement porté sur les petites lignes régionales qui étaient les plus menacées en raison de l’état de leurs infrastructures. A ce sujet, l’audit met en valeur l’intérêt de la méthode qui a été à la base de l’élaboration des "Plans rail", notamment en Midi-Pyrénées.
Désormais la question du renouvellement se pose pour certains grands axes hors LGV, particulièrement ceux empruntés par les TET (trains d’équilibre du territoire). "Mais, constate Yves Putallaz, la situation évolue avec l’arrivée de l’Etat en tant qu’Autorité organisatrice de transport de plein exercice [qui, au point de vue du périmètre du réseau] devra veiller au lien extrêmement étroit entre la gestion du territoire et celle des transports, particulièrement l’adéquation de l’urbanisation et du réseau ferré".
Concernant le troisième point, des questions se posent à la fois sur l’ampleur des travaux et sur leur nature. Peut-on en faire plus durant les prochaines années ? "Non, faute de financement suffisants et surtout en raison du manque d’acceptation [des inconvénients des chantiers de renouvellement] par les usagers du réseau", estime Hubert du Mesnil, Pdg de RFF. Toutefois, "nous sommes assurés d’un niveau d’investissements de renouvellement comparable au volume actuel jusqu’en 2020-2022", assure-t-il.
Que cherche-t-on désormais ? Il faut lier plus encore renouvellement et développement du réseau, profiter des travaux de renouvellement pour améliorer les capacités des lignes(2). Et faire avancer la modernisation de la gestion du trafic avec la réalisation de la CCR (Commande centralisée du réseau), qui permettra de passer de 1500 postes d’aiguillages - dont certains très anciens - à 16 grandes centres régionaux. Et il faudra renforcer les installations électriques des zones denses tout en rénovant sur l’ensemble du réseau ces équipements qui ont beaucoup vieilli sur certaines lignes. "Une véritable politique industrielle de renouvellement de la caténaire serait à mettre en œuvre", conclut Yves Putallaz.