Ce 30 janvier, la Commission européenne a adopté le quatrième paquet ferroviaire. Le ministère des Transports n’a pas tardé à réagir en assurant recueillir "favorablement" les propositions européennes.
Le quatrième paquet ferroviaire a enfin été adopté ce 30 janvier par la Commission européenne. Balayant quatre domaines d’activités, Bruxelles propose six orientations législatives.
La voie de l’indépendance
Après la création de l’agence ferroviaire européenne en 2004 chargée de coordonner l’harmonisation des normes techniques, des obstacles techniques et administratifs subsistaient engendrant des coûts "excessifs" et des freins à l’accès au marché pour les nouveaux arrivants. Conclusion : la Commission a décidé de permettre à l’AEF d’ouvrir un "guichet unique" en charge de délivrer les autorisations de véhicule, et de renforcer son rôle de superviseur des règles nationales. Autre cheval de bataille de ce quatrième paquet : "casser" les monopoles des opérateurs historiques. Pour cela, la Commission estime qu’ "il faut établir un système ferroviaire central reliant tous les Etats membres". Suite à de nombreuses critiques formulées par les nouveaux acteurs du marché au sujet de la présence du gestionnaire de l’infrastructure (GI) dans une structure intégrée, "il est apparu que les GI opèrent des discriminations à l’encontre d’opérateurs non historiques en augmentant par exemple les redevances d’accès aux voies et aux gares pour les services de transport de voyageurs lors de l’entrée sur le marché d'un nouvel arrivant", relate la Commission. Pour éviter cela, Bruxelles entend donc renforcer la position des GI pour leur permettre de maîtriser toutes les fonctions centrales du réseau, y compris la planification des investissements dans l’infrastructure, les opérations, l’entretien quotidien ou l’établissement des horaires. Aux yeux de la Commission, il s’agit également de garantir le développement du réseau en créant un comité de coordination qui permettra à tous les utilisateurs de l’infrastructure de faire connaître leur besoin et assurera le traitement des difficultés rencontrées. "L’objectif est de faire en sorte que les GI soient davantage tournés vers le marché, et de garantir que leur politique de répartition des sillons, de tarification, d’entretien et de renouvellement répond à la demande de tous les utilisateurs de l’infrastructure", ajoute le document.
Ouverture des marchés nationaux
Parmi les autres propositions phares : la nécessité d’ouvrir les marchés nationaux du transport de voyageurs en laissant notamment la possibilité aux nouveaux entrants de décrocher des contrats de service public. "Nous proposons de modifier le règlement n°1370/2007 de manière à rendre obligatoire la mise en concurrence en vue de l’attribution de contrats de service public et de modifier la directive 2012/34/UE pour autoriser l’accès à l’infrastructure en vue de l’exploitation de services nationaux avec toutefois la possibilité de limiter cet accès lorsqu’une menace pèse sur l’équilibre économique", précise le texte. Pour le matériel roulant, Bruxelles a décidé d’introduire une obligation pour les autorités compétentes, d’assumer le risque financier lié à la valeur résiduelle du matériel par un éventail de moyens "en endossant par exemple la propriété du matériel, en fournissant une garantie bancaire pour l’acquisition ou en mettant sur pied une société de location", explique le document. Même démarche en matière de billettique puisqu’il s’agira de rendre obligatoire l’accès aux systèmes nationaux. Dernier volet de ce paquet : le social. Sur ce sujet hautement sensible, Bruxelles préconise de mettre sur pied des comités d’entreprise européens, et de faire en sorte que les états membres puissent prendre des mesures complémentaires pour protéger les travailleurs "en exigeant des nouveaux contractants qu’ils reprennent ces travailleurs lorsqu’ils deviennent attributaires de contrat de service public, ce qui va au-delà des exigences générales de l’UE relative aux transferts d’entreprises", assure la Commission.
Un dogme libéral
En désaccord depuis plusieurs semaines avec les positions européennes, Frédéric Cuvillier, ministre des Transports, n’a pas tardé à réagir en précisant que "la France soutient la mise en place d’un espace ferroviaire européen unique et accueille favorablement les propositions de la Commission." Rappelant pour autant que la Parlement européen prend désormais la main sur ce dossier et qu’il entend bien "contribuer de manière constructive à ces travaux", le Ministre a également souligné que "les autorités françaises ont engagé une importante réforme ferroviaire visant à rattacher le gestionnaire d’infrastructure unifié à la SNCF au sein d’un pôle ferroviaire public unifié", et que "la France s’attachera à présenter les dispositions retenues pour assurer un fonctionnement impartial du GI dans l’exercice de ses principales missions pour assurer un accès non discriminatoire au réseau." De son côté, la CFDT Cheminots considère que : "le dogme libéral persiste chez les membres de la Commission, même si elle n'exclut pas la conservation d'une "structure verticalement intégrée en holding" pour ce qui est de la séparation institutionnelle".