Les réactions sont partagées au lendemain de l’annonce du maire de Nice, Christian Estrosi, de proposer la reprise de la gestion du réseau de transport de l’agglomération en régie municipale.
Il est toujours difficile de plaire à tout le monde. Mais, le moins que l'on puisse dire est que le charme de Christian Estrosi, maire de Nice, va avoir de plus en plus de mal à agir sur Veolia Transdev (VTD) et Keolis, notamment son président, David Azéma. Au lendemain de l'annonce du député maire de Nice de l'abandon des négociations sur la future délégation de service public (DSP) du réseau de transport, le chef de file de la filiale de la SNCF s'est exprimé très clairement chez nos confrères des Echos : "C'est une mauvaise nouvelle pour toutes les entreprises du secteur. Elle signe une défaite pour le modèle de la DSP". Christian Estrosi mise sur une victoire de la gestion directe compte proposer au Conseil communautaire la mise en place d'une régie pour prendre les commandes du réseau urbain niçois (voir article du 9 juillet).
En revanche Christian Estrosi va apparaître de plus en plus séduisant aux yeux d'Agir Transport. Dans un communiqué, l'association de réseaux indépendants a salué "le choix des élus niçois de privilégier la gestion directe", une solution choisie par de plus en plus de municipalités selon l'association. En effet, en France, près d’une quarantaine de réseaux urbains et interurbains ont déjà fait le choix d’une gestion directe, à l’instar de Marseille, Toulouse ou encore La Rochelle. "Les élus sont fréquemment confrontés à une concurrence trop restreinte ou trop timorée. Les procédures de DSP les conduisent à arbitrer entre des offres qui ne correspondent pas à leurs attentes et aux ambitions de leurs politiques de transport", ajoute Agir Transport dans un communiqué.
Une industrie fragilisée
La proposition du premier des élus niçois n'a pas encore été adoptée par le Conseil métropolitain. Ce dernier devrait prendre sa décision, et très certainement valider le vœu de Christian Estrosi en septembre. Néanmoins, cette annonce pourrait encourager d'autres élus à procéder de la sorte. Un danger que David Azéma redoute et exprime également dans les colonnes des Echos : "Si d’autres collectivités locales suivent la voie de Nice et délaissent le système de la DSP, c’est un pan de notre industrie qui sera fragilisé". Un avertissement nullement voilé qui pourrait peut-être faire réfléchir les élus de Nice et de Navarre. D'autant plus que le président de Keolis rappelle que les dix millions d'euros de pertes enregistrées dans la précédente DSP et supportées par VTD seraient, dans le cadre d'une régie, payées par la municipalité. Or, rares sont les collectivités à pouvoir s'offrir le luxe de supporter de lourdes pertes.
L'annonce de l'élu niçois est d’autant plus étonnante qu’elle était peu prévisible, alors que Veolia Transdev, jusque-là exploitant du réseau, et Keolis croisaient le fer depuis plusieurs mois sur cet appel d'offres de DSP. Mais tout semble s'être emballé le 4 juillet à la suite de l'émergence d'une rumeur attribuant la gestion du réseau au challenger. Cette information avait été démentie avec force et colère le lendemain par Christian Estrosi. Il est difficile de dire si le dénouement de la bataille pour la gestion du réseau de Nice est la conséquence de ce rebondissement, mais on peut également s'interroger sur une probable mise en scène pour stigmatiser les opérateurs privés. Des deux prétendants, c'est VTD qui encaisse plus lourdement le coup. Keolis perd une opportunité où il pensait être bien placé, alors que son concurrent perd un de ses plus gros contrats hexagonaux qui génère quelque 130 millions d'euros par an. En attendant que le sort du réseau de la cinquième ville de France ne soit scellé en septembre, Veolia Transdev sera chargé de l'intérim. Une manière de prolonger le plaisir ou plutôt de boire le calice jusqu'à la lie.