La bataille du Grand Paris a repris le 6 avril au palais du Luxembourg. La commission spéciale du Sénat a largement amendé le texte, revenant à la philosophie initiale qui prône une impulsion de l'État. La gauche, qui dirige la région, dénonce le projet.
Le texte sur le Grand Paris adopté en décembre 2009 en urgence à l'Assemblée nationale a été largement remanié par la commission spéciale du Sénat peu après la période électorale, dont le secrétaire d'État Christian Blanc (secrétaire d'Etat à la région capitale) a été absent.
Partant du postulat que l'Ile-de-France ne joue pas suffisamment son rôle de locomotive économique, il prévoit un métro automatique autour de Paris permettant des liaisons banlieue-banlieue. Celui-ci relierait neuf pôles économiques (Saclay, Saint-Denis, La Défense, Plaine-Commune, Villejuif, Roissy, Orly, Clichy-Montfermeil et Versailles) avec des contrats d'aménagement autour des futures gares.
Coût : 21,4 milliards d'euros (22 milliards à 25 milliards, dit la RATP), avec un capital de 4 milliards, une série d'emprunts aux modalités de remboursement imprécises et une étanchéité par rapport aux contrats de projets Etat-région.
Plus-values foncières
De nouvelles taxes ont été introduites par la commission spéciale. L'une porte sur le matériel roulant et sera acquittée par le Stif. L'autre porte sur les plus-values foncières liées à la desserte des territoires par un moyen de transport collectif. Cet amendement introduit par le gouvernement "institue une taxation des plus-values immobilières générées par les projets d'infrastructures de transport ferroviaire ou guidé autres que le réseau du Grand Paris".
Le produit de cette taxe serait versé au Stif, présidé par Jean-Paul Huchon (PS), qui en déterminerait le taux, ainsi que le périmètre dans lequel elle serait exigible.
Les conditions et les taux de cette taxe seraient les mêmes que celles prévues par le Sénat pour l'autre taxe sur les plus-values, affectée à la Société du Grand Paris (SGP), chargée de réaliser la double boucle de métro automatique autour de Paris.
Le rendement de la taxe destinée au Stif serait cependant vraisemblablement moindre que celle destinée à la SGP, selon des sources PS, la SGP se déployant essentiellement sur les pôles économiques les plus rentables.
Interconnexions fer-route
Le Sénat est revenu à la philosophie initiale du projet en prônant une impulsion par l'État, avec un objectif de construction de logements (70 000 par an) et un accent sur les "interconnexions" avec le réseau ferroviaire et routier national. Il demande un réseau performant entre Le Havre et Rouen, "façade maritime du Grand Paris", et le port autonome de Paris.
Le syndicat Paris Métropole, essentiellement des collectivités de gauche, serait consulté ainsi que le Stif et l'atelier international du Grand Paris, qui inclut les équipes d'architectes ayant planché sur ce projet. Mais la région n'est plus explicitement présente dans les organes décisionnaires de la future Société du Grand Paris (SGP), contrôlée par l'État, qui réalisera le métro, ou du futur établissement public de Paris Saclay. Serait nommé un "préfigurateur" qui pourrait conclure des contrats ou des marchés jusqu'à la nomination du président de la SGP. Le texte étend les compétences de la SGP en lui donnant notamment un droit de regard sur les transports de surface pour le "maillage" du métro automatique avec le reste du réseau.
Version "triple zéro" selon Jean-Paul Huchon
Le débat public sur Arc Express, le projet de rocade ferroviaire de la région, prendrait fin dès promulgation de la loi, alors que le dossier pourrait être validé le 7 avril. "Arc Express sera intégré dans la grande boucle", selon le rapporteur Jean-Pierre Fourcade (UMP).
C'est une version "triple zéro" pour M. Huchon, réélu à 56,7% président du conseil régional, qui dénonce un "déni de démocratie", "une vision inégalitaire du développement régional", une réduction de la concertation et la mise à mal des outils de la décentralisation (Stif, Sdrif). M. Huchon réunit le 7 avril les élus franciliens. En présence de Cécile Duflot (Verts) et Pierre Laurent, numéro deux du PCF, il demandera le retrait du texte.
Philippe Dallier (UMP) a appelé État et collectivités locales à "parvenir à un accord", jugeant qu'il n'est "pas possible de continuer dans le climat actuel".