Keolis, la filiale de la SNCF, a enregistré en 2010 une croissance record. Le chiffre d'affaires progresse de plus de 20% pour atteindre 4,113 milliards. Keolis vise la barre de 4,4 milliards de chiffre d'affaires en 2011.
C'est la même histoire depuis dix ans, et pourtant, Michel Bleitrach ne se lasse pas de la raconter. Le président du directoire de Keolis a une nouvelle fois présenté des résultats positifs, avec une variante appréciable dans le scénario, un record de croissance. En 2010, le chiffre d'affaires de la filiale de la SNCF a grimpé de 20,1 % pour s'établir à 4,113 milliards d'euros.
Sur l'ensemble de la décennie, la progression moyenne a été de 12 % pour un chiffre d'affaires quasiment multiplié par trois. Le bond en avant de 2010 tient notamment à deux facteurs, l'intégration d'Effia et la dot apportée par deux importants contrats, Bordeaux et Melbourne, qui avait été remportés fin 2009.
L'international comme locomotive
L'exploitation du tramway de Melbourne n'est pas la seule activité extra hexagonale à aiguiller Keolis sur la bonne voie. En 2010, c'est l'ensemble de l'international qui a retrouvé des couleurs après des résultats 2009 en léger retrait.
Ce secteur pèse désormais 45% de l'activité (contre 41% en 2009) et voit son chiffre d'affaires augmenter d'un tiers, alors que celui réalisé en France se "contente" d'une progression de 11 %. "Nous suivons le chemin que nous nous sommes fixé, et qui doit nous permettre d'avoir un chiffre d'affaire équitablement réparti entre la France et l'international", se réjouit Michel Bleitrach.
En dehors de ses frontières, Keolis a surtout changé de statut. "Nous sommes passés du rôle de partenaire financier à celui d'opérateur international. Même dans les marchés où nous ne sommes pas actionnaires à 100%, nous sommes aux commandes des réseaux", explique Michel Lamboley, directeur général groupe.
Une France bien gardée
Keolis considère cependant l'Hexagone comme son socle, une base indispensable pour orienter sa progression. "Ce sont les succès nationaux qui nous ont permis d'aller en Europe, puis la réussite continentale nous a ouvert les portes de l'international", rappelle Michel Bleitrach. Autant dire que pour l'opérateur, les affaires françaises se doivent d'être bien gardées. Et en la matière, l'année 2010 s'annonçait comme celle de tous les dangers avec 32 % du chiffre d'affaires national en renouvellement.
Au final, Keolis s'en sort avec un quasi sans faute. Lyon et Lille ont été conservés, et 89% des autres contrats défensifs ont été renouvelés. La seule ombre au tableau est Besançon, un réseau historique du groupe. "Au moment de présenter l'offre ultime, nous n'avons pas souhaité descendre plus bas sur le plan économique", indique Michel Bleitrach.
Keolis ne s'est pas contenté de défendre sa citadelle. Il a également remporté quelques appels d'offres comme des services périurbains à Bordeaux ou à Pau, le service Pam 92, Chaumont et Château Thierry. Il a également mené, dans le cadre d'Optile, la négociation des contrats T2 en Ile-de-France. "Notre chiffre d'affaires est sécurisé au moins jusqu'en 2016. Mais, sur ce plan, nous aimerions être traités au même niveau que la RATP qui a son activité autobus sécurisée jusqu'en 2024. Nous l'avons souligné au Stif, mais je ne pense pas que cette question sera traitée avant les échéance électorale de 2012", signale Michel Bleitrach.
Toujours en France, les premières synergies commerciales avec Effia ont été concrétisées. Le troisième opérateur de parking hexagonal, qui ambitionne de grimper d'une marche sur le podium, gère désormais 80 000 places de stationnement et a remporté 18 appels d'offres sur les 27 dans lesquels il s'était engagé.
Retour à l'offensive
Pour 2011, Keolis n'a, bien entendu, pas l'intention de se reposer sur les lauriers de l'année passée. Laissée sur le quai des grands mariages, tant sur le plan national qu'international, la filiale de la SNCF va devoir compter sur elle-même pour poursuivre sa progression. Pour le millésime en cours, elle vise la barre des 4,4 milliards de chiffres d'affaires, soit une progression de près de 7 %.
L'international devrait continuer à prendre de l'importance et peser 48% de l'activité. Les perspectives restent donc alléchantes, mais la progression promet d'être moins spectaculaire. "Nous faisons face à un rapport recette sur dépense moins favorable que par le passé. Par ailleurs, la concurrence a été très rude pour conserver nos contrats, aussi nos marges seront réduites", regrette Michel Bleitrach.
La fréquentation des transports urbains a vu sa progression ralentir en 2010. Si Keolis s'en sort plutôt mieux que la moyenne, l'opérateur doit également composer avec une augmentation de la fraude. "En réponse, nous devons augmenter nos dépenses en matière de sécurité". La hausse du prix des carburants pourrait s'avérer bénéfique au report modal dans les transports publics, mais encore faut-il que les personnes qui délaisseront leurs voitures ne viennent pas grossir le rang des fraudeurs.
Quoi qu'il en soit, Keolis a toutes les cartes en main pour aborder 2011 de la manière la plus sereine possible, avec 94% de son chiffre d'affaires sécurisé et une amélioration de la profitabilité globale qui lui permet de revoir à la hausse sa capacité d'investissement. De quoi passer à l'attaque, notamment en France où le nombre d'appels d'offres offensifs (pour Keolis) est important : Orléans, Metz, Chambéry, Nice, Nancy, Saint-Etienne... "Nous devrons établir des priorités. Nous étudions les différents dossiers et nous présenterons en fonction de la pertinence des réponses que nous pourrons apporter. Il y aura aussi des opportunités à saisir sur le plan de l'interurbain", précise Patrick Jeantet, directeur général France.
Keolis compte également sur la croissance externe pour asseoir un peu sa position en France. "Nous serons attentifs, notamment aux entreprises interurbaines qui seront mises en vente par Veolia/Transdev. Pour ce qui est de l'urbain, les choses ne sont pas encore claires, je ne sais pas si nous auront le droit de nous positionner", note Michel Bleitrach. L'opérateur souhaite que ses futures acquisitions lui permettent d'améliorer son maillage du territoire et puissent servir de bases de développement départemental. "Nous regardons les opportunités du côté de la Gascogne, dans l'Est de la France, en Savoie mais également en Ile-de-France. Nous tablons sur deux à trois acquisitions", complète Patrick Jeantet.
Enfin, Keolis compte s'attaquer au marché des Sem. "Avec les VFD, nous avons apporté la preuve de notre pertinence sur ce terrain. Nous allons nous donner les moyens d'y accroître nos parts de marché", révèle Michel Bleitrach.
L'Asie bien accompagné ?
Les rachats d'entreprises pourraient également être à l'ordre du jour à l'international, notamment en Amérique du Nord. "Nous allons poursuivre cette stratégie au Canada et le développement de l'activité autobus aux Etats-Unis devrait également se faire par le biais d'acquisition", indique Bernard Tabary, directeur général International.
En Europe, Keolis va également intensifier ses efforts. En Grande-Bretagne, il se présente, avec la SNCF, sur deux importants projets grandes lignes, les West Coast Train et East Coast Train. En Allemagne, aux Pays-Bas et en Scandinavie, les perspectives de développement sont également intéressantes avec d'importants appels d'offres. Enfin, l'Europe du Sud, où Keolis est peu présent, devrait s'ouvrir au privé, notamment en Italie avec la privatisation partielle des régies.
L'après 2011 est déjà l'ordre du jour. Keolis est en train de mettre en place une équipe locale en Chine. Son objectif est de jouer un rôle de veille et d'apprentissage du marché asiatique dans son ensemble et de permettre à Keolis de se positionner sur les projets de métro et de modes lourds dans un avenir proche. Il se pourrait même que Keolis trouve en Asie la solution pour ne plus être au ban des mariages. Les bonnes relations qu'il tisse à Melbourne avec MTR (voir Bus&Car n°876) pourraient devenir plus qu'amicales en Asie. "L'idée d'un partenariat est dans l'air du temps. Mais cela ne devrait pas se concrétiser avant deux ou trois ans. Il y aura des ambitions communes sur des modes lourds en Chine et plus largement en Asie. Mais, il reste à identifier les projets et à trouver le bon équilibre", conclut Michel Bleitrach.