Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

Quelle place accorder au covoiturage?

Ecov

Crédit photo Ecov

Et si l’enjeu pour une mobilité décarbonée à l’échelle du pays- soutenable sur un plan écologique et social - consistait surtout maintenant, dans une desserte des territoires peu denses?  

Le covoiturage, une solution. Mais aussi du transport à la demande...

Cela se dit, le maximum a peut-être été atteint pour les transports urbains. En terme de desserte, de fréquence…Reste évidemment, à renouveler ce qui a été lancé, il y a dix ou vingt ans, les premières lignes de tramway, notamment. Le développement des lignes de bus à haut niveau de service complète le paysage, en répondant à l’extension des agglomérations et autres métropoles.

Mais l’enjeu pour une mobilité décarbonée à l’échelle du pays- soutenable sur un plan écologique et social - consiste surtout maintenant, dans une desserte des territoires peu denses. Là, où, précisément, règne la voiture particulière. 85% des Français en possèdent une, et elle réalise à elle seule 80% des kilomètres parcours depuis vingt ans. Est-ce définitif? 

L’essentiel des gaz à effet de serre liées aux mobilités du quotidien sont le fait des kilomètres parcours entre le périurbain et les agglomérations par des ménages qui n’ont pas accès à une offre de transport public. Passer à l’électromobilité ne se fera pas d’un seul coup; de nombreux obstacles subsistent d’ailleurs pour qu’il en soit ainsi, pour les véhicules légers, celui de tout un chacun, de même que pour les poids lourds: le problème de l’offre, le problème du prix, dans des proportions variables selon les modes. Pour les voyageurs mais aussi pour les marchandises. On ne saurait expliqué autrement les précautions prises pour rendre acceptables les ZFE-m. De plus, même électrique une voiture participe de cette incroyable consommation de l’espace public que l’on a laissée se développer.

Dans une tribune parue dans le journal « Le Monde », François Gemenne, Anne-Marie Idrac et Thomas Montagne * proposent de développer, hors des grandes métropoles, des services de mobilité multimodaux qui s’appuient sur les RER, les cars express et le covoiturage. Les deux, de manière complémentaire. « La « France qui conduit » mérite un système de mobilité à la hauteur des enjeux et de ses aspirations. Il n’est pas utopiste d’ambitionner que, d’ici à quelques années, plus de 80 % des Français aient accès à un service express de mobilité, à moins de dix minutes de chez eux. Mais, pour cela, et alors que la proposition de loi lancée par le député des Bouches-du-Rhône Jean-Marc Zulesi (Renaissance) sur les services express régionaux métropolitains est en cours d’examen, il faut penser les choses dans leur globalité. S’appuyer sur les RER métropolitains est important, aller bien au-delà est primordial »**

Adopter une approche complémentaire, dans l’intérêt général

Il ne s’agit pas du covoiturage longue distance, lequel est toujours soutenu et qui correspond à un trajet dont la distance réalisée est strictement supérieure à 80KM, mais bien de covoiturage du quotidien, lequel doit revêtir un caractère « express » pour devenir attractif. Les auteurs de la tribune font le constat: « (…) plus de 60 % des Français vivant hors des centres-villes souhaiteraient moins utiliser leur voiture au quotidien (enquête « Les déplacements des Français », Ipsos, 2022), mais ne le peuvent pas. Pour qu’ils lâchent le volant, il faut qu’ils disposent d’une offre de substitution de qualité : rapide, fréquente, fiable, appelons cela « express » ». S’il faut bien un « choc d’offre », une telle initiative de transport public reposera sur trois piliers. Celui des trains à haute fréquence – les RER –, sur les « étoiles ferroviaires » des métropoles, objet principal de la proposition de loi. Le second consiste en un déploiement de lignes de car express".

Récemment, un rapport, porté par François Durovray, président (Les Républicains) du conseil départemental de l’Essonne, démontre en effet comment des lignes de car à haute fréquence permettraient de renforcer le réseau pour les territoires franciliens qui ne bénéficient pas du Grand Paris Express, et ce à un coût limité. Un cas d’application qui dépasse évidemment l’Ile-de-France.

------------------------------------------

En Isère, par exemple, le département -c’était avant les modifications de compétence - a déployé des lignes d’autocars express desservant les trois vallées qui convergent vers Grenoble. Le service rendu a fait ses preuves depuis longtemps. Il ne fait pas non plus concurrence aux lignes ferroviaires du TER. Autre exemple emblématique, en Nouvelle-Aquitaine cette fois, la ligne de car express Bordeaux-Blaye. Après avoir rencontré un vrai succès avec la ligne de car express Créon Bordeaux, une nouvelle ligne de car express sera lancée en janvier 2024. Elle reliera Blaye à Bordeaux en passant par Saint-André de Cubzac.

-------------------------------------------

Le troisième piliers, et axe principal de la tribune, concerne le développement de « lignes de covoiturage express », qualifié « d’innovation française ». « Elles fonctionnent comme une ligne de car, mais l’offre est assurée par les conducteurs qui y passent sur leurs trajets quotidiens. Elles ont fait la preuve de leur capacité à transformer les sièges libres des véhicules particuliers en offre de transport collectif de haute qualité, avec un temps d’attente moyen inférieur à quatre minutes. Les collectivités se saisissent du sujet pour en faire une vraie politique structurante, à l’instar du Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise, des métropoles de Rennes, de Lyon, de Rouen, de Reims… ». Pour relever le défi d’une mobilité décarbonée, et offrir un vrai service à nos concitoyens, tandis que des projets plus lourds seront développés - celui des RER par exemple - et sans doute à terme de manière complémentaire. On comprend la logique : pour avoir un service à haute fréquence, il faut des véhicules qui passent très régulièrement. Pour que cela soit viable, tant économiquement qu’écologiquement, ces mêmes véhicules doivent afficher un taux de remplissage élevé. C’est en effet sur cet aspect que bute, depuis plusieurs années déjà, le développement du covoiturage de courte distance"

Créer un maillage territorial.

« En somme, s’il y a trois cents personnes à transporter toutes les quinze minutes, mettons un RER ; s’il y en a trente, mettons un car express ; s’il y en a trois, mettons une ligne de covoiturage express. Et maillons ainsi le territoire.Ces trois briques sont à construire et à développer de manière conjointe : plus le réseau sera étendu, plus il sera attractif. Ce réseau de transport express pour la « France qui conduit » permet de donner une nouvelle perspective à l’aménagement du territoire : il se construit autour des gares, qu’elles soient ferroviaires ou routières, existantes et à créer. Ces points d’entrée dans le « réseau express » deviendront des « hubs [plates-formes] multimodaux » (vélo, transport à la demande, transport solidaire, covoiturage planifié…) et faciliteront la densification du territoire".

 

———————————

A l’échelle de la communauté d’agglomération du Pays Voironnais, des parcs relais permettent aux autosolistes comme aux covoitureurs de stationner pour ensuite emprunter ces lignes expresses et le TER. Des pistes cyclables, mises en œuvre par les petites communes (moins de 1 500 habitants), convergent également vers ces parcs relais.

Il s’agit là d’un système de mobilité qui articule deux échelles, celle des établissements publics de coopération intercommunale et celle des métropoles régionales, système dont nous pourrions nous inspirer plus largement.

——————

Mais pour y parvenir, il faut lever certains obstacles. Mieux, il faut changer de logiciel. D’une part en ce qui concerne l’approche modale: celle qui sépare le mode ferroviaire du mode routier n’est plus de saison. C’est à un vrai système multimodal qu’il faut aboutir et dans le texte relatif aux SERM en cours d’élaboration, il est bien envisagé que les services express puissent être sur le rail ou sur la route. Et de l'intermodalité, voire de l'interopérabilité. D’autre part, dans la mesure où le covoiturage prend une place dans l’offre publique de transport, le changement de logiciel doit clairement, selon les auteurs, aboutir à en faire un service public. Aller par conséquent au-delà du soutien, par des subventions, à une véritable compétence d’organisation à l’instar par exemple des services réguliers de transport ou du transport à la demande. D'où quelques modifications législatives à prévoir.

 

La tribune: https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/02/il-est-temps-de-construire-un-reseau-de-transport-novateur-durable-et-accessible-a-tous_6197829_3232.html

Petit glossaire.

Le transport public est une activité de transport pour le compte d'autrui. Les transports collectifs sont des transports publics, mais tous les transports publics ne sont pas des transports collectifs, qui sont des services publics. Les transports en commun en sont la catégorie principale. Si une activité n'est pas une activité de service public, elle peut être une activité d'intérêt général, mais alors, elle peut être simplement soutenue par une collectivité, et non organisée. Dans ce dernier cas, elle devient une activité de service public.

 

*Respectivement, le professeur d’économie et de sciences de la décision, membre du GIEC;, l'ancienne secrétaire d’Etat aux transports et ancienne présidente de la RATP et de la SNCF, présidente de France Logistique, et le président et fondateur d’Ecov, opérateur de lignes de covoiturage.

**L ‘axe principal qui est développé est celui du covoiturage, au moment où la proposition de loi concernant les services express régionaux métropolitains (SERM) vient d’entrer dans le processus de navette entre l’Assemblée et le Sénat. C’est possiblement, d’une vraie loi mobilité dont il s’agit, comme nous l’indique une source proche de ce dossier, dont le volet financement a été abordé lors des Rencontres Nationales du Transport Public 2023 qui se sont tenues à Clermont Ferrand.

Auteur

  • Eric Ritter
Div qui contient le message d'alerte

Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Déjà abonné ? Créez vos identifiants

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ? Remplissez les informations et un courriel vous sera envoyé.

Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format