Des différents chiffres concernant le marché des bus et cars, on tire trois enseignements. Selon les sources disponibles, on dénombre un peu de plus de 6000 véhicules immatriculés en 2023, soit un marché de l'ordre de 1,5 milliard d'euros HT. C’est le premier enseignement, et il n'a rien de surprenant. Rappelons qu'il a plus de 66 000 autocars en circulation en France, contre 27800 autobus. Le premier parc étant bien moins dynamique sur la durée que le second qui progresse rapidement.
Et notons que si l'on achète bien des véhicules en commun en nombre, on n'en produit pas assez. Selon les analyses en effet, la production nationale culmine à 2400, voire 2500 unités, pas plus, en 2022. Et elle se limite aux seuls autobus. Les autocars eux sont massivement importés.
Le deuxième enseignement, qui intéresse évidemment les marques mais aussi leurs clients, traduit en chiffre une domination du groupe Iveco, ainsi qu'une lutte fratricide pour la deuxième place entre Daimler à Man. Les données du CCFA qui sont détaillées par constructeur permettent en effet d’opérer un classement quitte à présenter quelques différences par rapport aux statistiques de l’Etat (1). La part de marché cumulée des marques Iveco et Heuliez se monte à 50,7 %. Daimler Buses, avec les marques Mercedes-Benz et SETRA monte à 21 %, après quoi arrive Man avec 9,9 % (auxquels il faut ajouter les véhicules de tourisme de la marque Neoplan).
Aucun autre constructeur ne semble dépasser pour le moment les 200 unités.
Le podium
Soit 46% des parts de marché pour le seul Iveco Bus, donc. De plus, le constructeur est présent sur toutes les solutions de transitiion énergétique. A noter la progression de Mercedes-Benz (+49% de ses chiffres par rapport à 2022). MAN demeure bien positionné, malgré un léger tassement de ses ventes puisqu’elles diminuent de 15,8% sur l’année. Toutefois, et nous le soulignons ici, le groupe Tatron, auquel appartient MAN, mais aussi Scania, réalise une belle performance si l’on ajoute les 133 immatriculations de la marque suédoise en progression de 52,9% (ce qui interroge, à nouveau, le changement de pied intervenu drastiquement chez le constructeur, puisqu’il cesse désormais de produire des véhicules complets).
Troisième et dernier enseignement, sur le mix énergétique cette fois. Pas de surprise à voir les autobus entamer leur transition tandis que les autocars demeurent thermiques, et sans doute pour longtemps encore (avec une norme Euro VI toutefois de plus en plus répandue, au sein du parc autocars, soit en peu plus de 60%).
On sait que la France a toujours poussé au passage à la mobilité électrique. Ce qui n’empêche pas les solutions en faveur du biogaz de continuer leur bonhomme de chemin avec, sans doute, un peu moins d’enthousiasme depuis que les orientations données au niveau européen ne se stabilisent pas franchement en faveur de cette filière.
Le marché du bus a enclencé sa transition
Si le gazole représente encore un peu moins de 20% des immatriculations en 2023 (270 véhicules), l’électrique et le GNV apparaissent sans surprise comme les deux principales alternatives. Les bus électriques à batteries atteignent 717 immatriculations sur l’année 2023, représentant 36% de l’ensemble des volumes écoulés. Les bus au GNV totalisent encore 880 immatriculations au cours de l’année 2023 (mais 299 en hybride, ce qui place cette énergie en tête des alternatives au gazole avec 44% de parts de marché).
Toujours sur le segment des véhicules urbains, l’hydrogène progresse pas à pas avec 25 immatriculations cumulées. Anecdotique à ce stade, d’autant qu’on attend plutôt cette solution sur la longue distance. Notons aussi que le panel des solutions s'est élargie avec l’arrivée des modèles Heuliez, Karsan, Caetano, Solaris ou encore Safra.
L'autocar encore thermique et pour longtemps
Évidemment, plus de 80% des autocars (3533 véhicules) immatriculés en France en 2023 sont encore des véhicules diesel. Il y a bien des véhicules qui fonctionnent au B100 exclusif mais ce n’est pas vraiment significatif (moins de 100 unités). Est-ce d'avenir?
Les véhicules électriques sont eux très marginaux, une soixantaine. Comme pour les bus, le GNV se présente comme la première alternative au gazole, mais encore, c’est de 489 véhicules immatriculés, soit 12% du marché, dont on parle. L'Etat continuera t il son soutien, ou va-t-il planter là l'évolution?
Des conclusions provisoires?
Les délais de livraison sont devenus trop longs. Les capacités de production, l'amont, sont sans doute sous tension. Et cela ne devrait pas se détendre. Trés discrète, l'industrie est confrontée à la concurrence asiatique qui maîtrise le marché des matières premières, et sera toujours beaucoup plus compétitive. Les procédures d'achat public ralentissent sans doute de facto l'évolution (les critères de choix). Pour combien de temps?
Autre point qui interroge : on ne peut à proprement pas parler d'instabilité réglementaire, l'évolution est au contraire très claire. Ce qui est perturbant, c'est la différence entre les discussions en coulisses, et les positions officielles. De ce point de vue, ce qui se passe du côté de l'automobile est plus clair. On parle subventions, droits de douane, innovation. Certes les différentes étapes d'élaboration de la régulation européenne ne facilient pas la lecture de sa politique, alors même que l'on connaît le cap. Y parvenir à quelle vitesse? sur quel segment? Y aura t il une place pour les énergies de transition et pour combien de temps? Evidemment, le coût des matériels roulants à augmenter, comme a augmenté le coût des infrastructures de transport, et pas uniquement le chemin de fer. Tout coûte plus cher, les tensions sont encore plus grandes sur les entreprises, et, in fine sur les collectivités qui, parfois, augmentent l'âge moyen du parc dans les appels d'offres. Transition, vous avez dit transition.
Au moment où l'Etat semble désinvestir, quelque chose d'inquiétant se met en place.
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(1) l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Sur les douze mois de 2023 un total de 6365 véhicules neufs dits de transport en commun de personnes (TCP), soit 4353 autocars et 2012 autobus. Pour la CSIAM, c’est un peu moins (6124, avec une relative stabilité du segment autocar).