La France s’engage dans la production et la distribution d’hydrogène parce qu'elle a obtenu au niveau européen une assurance importante : l’hydrogène produit à partir d’énergie nucléaire continuera à avoir les mêmes avantages que l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables. Pour quel usage? La stratégie nationale révisée permettra de le savoir...
Ce que l'on sait, c'est que la transition énergétique qui se met ainsi en oeuvre sous nos yeux participe, dans l'esprit des pouvoirs publics, d'une réindustrialisation sans laquelle rien ne sera possible. Dans aucun domaine. C'est donc l'heure des choix.
Alors que l’énergie représente jusqu’à 75 % du coût de la production de l’hydrogène, « les industriels pourront continuer à bénéficier du coût compétitif de l’énergie nucléaire », a souligné la ministre lors de son déplacement le 5 décembre, sur le site de production de piles à combustible hydrogène lancé par Symbio à Saint-Fons au cœur de la Vallée de la chimie. C'est le message délivré par Agnès Pannier-Runacher alors qu’elle inaugurait avec le ministre chargé de l’industrie Roland Lescure le plus grand site européen intégré pour la production de piles à combustible hydrogène lancé par Symbio à Saint-Fons au cœur de la Vallée de la chimie.
Et pour commencer une stratégie
La stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) doit définir la feuille de route de la France pour atteindre la neutralité carbone en 2050, revoir nos objectifs au regard des engagements européens et assurer l’adaptation de notre société aux impacts du changement climatique. Elle regroupe la loi de programmation énergie-climat (LPEC) qui doit fixer les grandes orientations, lesquelles seront précisées et opérationnalisées dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC, 3ème édition), la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE, 3ème édition) et le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC, 3ème édition).
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En effet, la transition écologique implique des choix de société et génère des impacts sociaux, sociétaux et économiques majeurs. La gouvernance de cette transition doit être animée dans l’objectif de garantir une transition juste, systémique et d’impliquer toutes les parties prenantes de la conception à l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre. Elle est présentée par étape, fait l’objet de révisions, lesquelles n’exclut nullement un peu de tact vis à vis des parties prenantes.
C’est ainsi que le gouvernement a dévoilé le 5 décembre « les contours » de la nouvelle stratégie hydrogène française ». Très attendue, cette stratégie révisée doit permettre de massifier la production d’hydrogène renouvelable et bas carbone, un vecteur qui « sera d’abord utilisé pour décarboner l’industrie » a rappelé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher alors qu’elle inaugurait avec le ministre chargé de l’industrie Roland Lescure le plus grand site européen intégré pour la production de piles à combustible hydrogène lancé par Symbio à Saint-Fons au cœur de la Vallée de la chimie.
Agnès Pannier-Runacher et Roland Lescure sont donc venus inaugurer SymphonHy, la première gigafactory Symbio, co-entreprise détenue par Forvia, Michelin et Stellantis. Sans surprise, la ministre a confirmé les objectifs de production de 6,5 gigawatts d’hydrogène jusqu’en 2030, soit plus 680 000 tonnes d’hydrogène renouvelable et bas carbone produit et 10 GW en 2035. La stratégie hydrogène déployée depuis septembre 2020 « a déjà soutenu environ 300 MW de capacité d’électrolyse, tant à l’échelle locale qu’à des dimensions industrielles et devrait faire émerger plus de 2,5 GW dans les prochaines années » rappelait le gouvernement dans la stratégie française énergie et climat publiée le 22 novembre.
D’abord l’industrie, puis la mobilité
Le soutien public important à l’industrie de l’hydrogène, de 9 milliards d’euros jusqu’en 2030, doit notamment permettre de « sécuriser sur 10 ans un prix de l’hydrogène décarboné compétitif avec l’hydrogène fossile« , a lancé la ministre. La production d’hydrogène française sera d’abord destinée à « décarboner l’industrie » (raffinage, chimie, production d’engrais) et ensuite aux mobilités, a indiqué Agnès Pannier-Runacher.
Si la ministre n’a pas donné beaucoup de détails, la SFEC évoque bien une « priorisation » sur le secteur de l’industriel et notamment les 50 sites industriels les plus émetteur de France qui ont récemment signé des contrats de transition écologique et qui auront massivement besoin d’hydrogène renouvelable et bas carbone pour verdir leur process. Le gouvernement table sur des pôles de consommation « centralisés » dans les plus grandes plateformes industrielles comme Fos-sur-Mer et Dunkerque et des pôles « semi-centralisés » autour des plateformes industrielles de plus petite taille.
Si France Hydrogène a salué les évolutions de cette stratégie qui va permettre de massifier les aides à la production, elle appelle « à préserver absolument » décarbonation et réindustrialisation « en se tournant vers l’écosystème industriel français tout au long de la chaîne de valeur " . Une stratégie qui selon l'association devrait miser sur le déploiement d'une mobilité durable. « Les déploiements territoriaux locaux s’inscriront en cohérence avec les besoins des usages de mobilité lourde » indique la SFEC, autrement dit la mobilité lourde reste bien présente dans la SNH.
La mobilité légère et intensive devrait disposer de moins de leviers financiers. Sur la mobilité, le gouvernement table davantage sur « une approche par cas d’usage que par segment ». On en sait pas plus pour le moment.
Réponse de France Hydrogène à la consultation de l'Etat
Connecter les producteurs d’hydrogène, les utilisateurs et les infrastructures de stockage
« L’enjeu est d’équilibrer une logique de production nationale d’hydrogène en visant une réduction des coûts et des importations diversifiées et compétitives » indique la SFEC. Et c’est peut être la vraie nouveauté de cette SNH révisée, l’intégration des infrastructures de transport et de stockage d’hydrogène. La France devrait s’ouvrir à l’importation et penser un écosystème d’infrastructures capables d’apporter de la flexibilité au réseau électrique via les stockages et des infrastructures de transport. 500 kilomètres de canalisations pourront être déployés « à court terme » pour connecter les producteurs d’hydrogène, les utilisateurs et les infrastructures de stockage, a indiqué la ministre.
Une étude est actuellement en cours pour évaluer les besoins et dimensionner l’écosystème. Selon les premières projections, la France n’importerait pas d’hydrogène avant 2035-2037.
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Un condensé de savoir-faire pour une meilleure rentabilité
Michelin, Forvia et Stellantis ont inauguré mardi leur giga usine de piles à combustible au sud de Lyon, qui vont faire rouler des utilitaires et des bus à l’hydrogène. L’usine de leur coentreprise Symbio vise à produire 15 000 systèmes à hydrogène en 2024, puis monter à 50 000 par an d’ici 2026, alors que les ventes de véhicules à hydrogène doivent encore décoller. Avec 750 salariés, c’est la plus grosse usine de piles à combustible d’Europe. Elle compte déjà une vingtaine de clients.
Des utilitaires
L’État mise beaucoup sur l’hydrogène et soutient cette usine à hauteur de 600 millions d’euros, dans le cadre d’un plan européen de subventions à cette technologie encore peu compétitive. Stellantis, leader des utilitaires en Europe, a livré fin 2021 ses premiers véhicules équipés de systèmes hydrogène, assemblés en Allemagne. Une camionnette Opel consomme par exemple 4,4 kilos d’hydrogène pour 400 kilomètres d’autonomie. Son tarif dépasse encore pour le moment les 100 000 euros à l’achat, avec une offre de location à 400 euros par mois. Le constructeur compte faire baisser ce tarif avec sa nouvelle gamme d’utilitaires Peugeot, Opel ou Citroën à hydrogène, qui doivent être assemblés à Hordain (Nord).
Selon Forvia, à horizon 2030, le système hydrogène sera moins cher que la batterie électrique, qui pourrait d’ailleurs affronter des difficultés d’approvisionnement sur certains matériaux comme le cobalt. Reste à déployer des stations de recharge et trouver de l’hydrogène produit à partir d’énergies décarbonées : d’ici à 2030, l’État doit investir 7,2 milliards d’euros pour atteindre 600 kilotonnes de production par an.
Symbio prévoit également d’ouvrir une giga usine en Californie pour fournir le marché américain des utilitaires et des poids lourds.
Les marques de Stellantis comme Ram comptent en profiter pour faire passer leurs pickups à l’hydrogène à partir de 2026-2027. L’usine de Saint-Fons doit être alimentée en hydrogène par le futur électrolyseur du barrage de Pierre-Bénite, sur le Rhône. Via une canalisation souterraine, SymphonHy recevra 3 à 4 tonnes d’hydrogène par jour à partir de 2025.
Un atout français?
La France s’engage ainsi dans cette technologie parce qu’elle a obtenu au niveau européen une assurance importante : l’hydrogène produit à partir d’énergie nucléaire continuera à avoir les mêmes avantages que l’hydrogène produit à partir d’énergies renouvelables. On se souvient de la passe d'arme, et de la divergence entre la France et l'Allemagne. De ce point de vue, entre le "coup de départ" de la Commission - elle a l'initiative des lois européennes - , et la décision finale, il y a manifestement des ajustements. Un résultat qui est de bonne augure pour la filière du biométhane par exemple?
Côté hydrogène, alors que l’énergie représente jusqu’à 75 % du coût de sa production, « les industriels pourront continuer à bénéficier du coût compétitif de l’énergie nucléaire », a souligné la ministre.
Cette stratégie pour l’hydrogène, du moins ses grandes orientations, devrait être mise en consultation.