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SERM, la mobilité à la croisée des chemins

Patrice Vergriete et Louis Négre par David Morel,

Crédit photo David Morel Placeco

« Monsieur le ministre, vous êtes attendu »

Lutte contre le changement climatique et rééquilibrage territorial face à la métropolisation : tels sont, selon Patrice Vergriete, les deux objectifs des services express régionaux métropolitains (Serm), sujet d'un colloque national organisé mercredi 13 mars 2024 par le Gart à Bordeaux. Un événement au cours duquel le ministre délégué chargé des Transports a présenté sa "vision" en la matière, esquissant dans ses propos un calendrier : il espère que les "premières labellisations" feront l’objet d’arrêtés définitifs d’ici la fin de l’année. Sur la question du financement, le ministre qui n’a pas exclu des Serm sans soutien de l’Etat (au grand dam de la plupart des participants) souhaite confier une mission à l’IGF et l’IGEDD pour "identifier les besoins".

Entre une conférence des financeurs et la convention citoyenne qu’il appelle par ailleurs de ses vœux, le ministre semble marcher sur des oeufs. Les projets sont beaux et intermodaux (beaux parce qu’intermodaux, même s’ils poursuivent comme objectif une fréquentation accrue du train, et donc des gares); entre autres éléments techniques, ils reposent sur la réalisation d’infrastructures et une diamétralisation des lignes qui n’est pas sans conséquence sur la SNCF et son organisation, un beau challenge. Mais ces SERM ne sont ils pas trop beaux?

Pas au regard des enjeux de report modal, un objectif global absolument nécessaire, que l’on vise une mesure de pouvoir d’achat, de décarbonation des transports (à condition que les trains ne soient pas thermiques), ou de pure mobilité durable. Mais seront-ils tous finançables sans un concours de l’Etat? Est-ce même admissibles compte tenu des enjeux majeurs rappelés par le ministre lui-même? Ou seront ils financés au détriment d’autres projets ? Appelées par un livre blanc à s’endetter pour y faire face, alors même que la dette de l’Etat finit par commander des pans entiers de sa politique, les collectivités locales concernées pourront-elles relever le défi?

Pas de doute en tout cas, les politiques de mobilité sont à la croisée des chemins. Pour le moment, ce choix critique apparaît à propos des SERM. Au niveau des transports publics urbains, elles doivent retrouver une meilleure fréquentation et n’hésitent plus à inciter les usagers à adopter leurs services par de la gratuité (exemple récent à Lyon (fusse de manière provisoire et incitative); les régions souhaitent transformer l’essai de fréquentation en hausse, par des investissements alors même que les usagers ne supportent qu’une part faible du coût du service; l’Etat, qui sous investit, tente de demeurer un partenaire, en particulier pour le ferroviaire à travers notamment les contrats de plan signés avec les régions.

A la recherche de financements.

Car c'est bien la question de financement qui, une fois de plus, et peut être encore plus que d’habitude, domine le sujet. Sur ce plan là, le ministre, en effet, était attendu. Même si, c’est sous le prisme des besoins, et donc de leur définition, que le ministre souhaite d’abord l’aborder. Une mission de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection générale de l'environnement et du développement durable sera lancée en effet pour mieux identifier les besoins d’accompagnement de l’État », a indiqué Patrice Vergriete en ouverture du colloque organisé par le Gart à Bordeaux. Autant dire que le décor était planté. Car malgré l’intérêt des projets, et qui doivent tout à l’impulsion locale, - région, métropole et intercommunalités selon les périmètres -, cette question du financement des projets de SERM demeure complètement ouverte. Pour le moins. Au point que la labellisation des dits projets pourrait devenir un exercice très difficile ou bien une façon de faire le tri.

Au-delà des "premières labellisations" attendues d’ici la fin de l’année, le ministre a confirmé la tenue d’une conférence de financement d’ici fin juin 2024. Prudent, il considère pour le moment que les propositions du GART en la matière, sur le Versement mobilité ou autre ressource (une taxe affectée) par exemple, pourront être « évoquées » à cette occasion. Renaud Lagrave, par exemple et comme son président, a voulu réagir. Non seulement les collectivités locales dont la Région Nouvelle Aquitaine qu’il représente en tant que vice- président aux transports, n’ont pas attendu l’Etat, mais elles se sont organisées grâce à un syndicat mixte pour se doter de moyens supplémentaires. Ce fut l’adoption du versement mobilité additionnel. La gouvernance des mobilités, à Lyon par exemple, semble s’être compliquée selon Jean-Charles Kohlhass, vice-président Déplacements, intermodalités et logistique urbaine. Or un Serm, un projet intermodal par essence, implique un dialogue entre tous les échelons de collectivités - entre la métropole (11 AOM regroupées), toutes les autres AOM, une vingtaine, du même territoire de la région. Celle-ci est visée.

Certes la logique de service des Serm peut s’appliquer même sans le label de l'État, selon le ministre. Même si un besoin d’accompagnement de la part de l’Etat été précisément reconnu par le ministre. L’Eurométropole de Strasbourg, ou encore la Région Sud, une région qui décline un budget climat par thématique (et de nombreux projets pour chacune d’elle) ne l’ont pas attendu pour se mobiliser et lancer leur Serm ou projet de Serm (la région Sud en a quatre dont un commun avec l’Occitanie). Un modèle économique doit être trouvé qui, immanquablement, devrait être alimenté par l’Etat (peu probable à hauteur des besoins) et par les collectivités (probablement avec des recettes supplémentaires pour le fonctionnement mais aussi grâce a un effort en termes d’endettement).

Alors faire moins cher? Tout le monde pense au car. Plus exactement aux cars express, des projets bien représentés d’ailleurs en Nouvelle Aquitaine. En complément ou en rabattement, disent les spécialistes, le car a sa pertinence. Francois Durovray, le président du département de l’Essonne et vice président d’ Ile de France Mobilités, qui avait fait le déplacement, en est devenu l’un des plus ardents promotteurs. Il a su trouvé le mot juste pour en parler.  Pour les cars express, des infrastructures seront nécessaires, mais pas au niveau de projets plus lourds.

Dans l’attente, le rappel à la philosophie.

Dans l’attente d’éclaircissement sur le financement des projets (et du ferroviaire de manière générale), sur lequel les participants n’ont clairement pas été rassurés, le ministre a voulu partager sa philosophie des SERM : « Ils servent à deux choses : lutter contre le changement climatique et mieux maîtriser la dynamique de métropolisation dans notre pays ». Réparer ce qui peut l’être et faire reculer la part de l’automobile, laquelle domine le périurbain. « La métropolisation a produit de mauvaises choses pour les petites villes comme pour les métropoles ». Les SERM, puisqu’ils se situent à l’échelle de la Région métropolitaine, peuvent proposer une rééquilibrage à travers une vision politique de réaménagement du territoire. Cela ressemble à une dernière chance au moment où l’ADEME vient de publier son baromètre annuel.

Attendu le ministre l'était. D'ailleurs, sa venue a aussi été l'occasion d'un échange avec les élus locaux. 

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La mobilité, c'est surtout la voiture. L'ADEME dit les choses

Alors que, selon ce baromètre, 86% des ménages sont équipés d'au moins un véhicule automobile, et l’utilise au moins plusieurs fois par semaine, le nombre de véhicules par ménage a considérablement augmenté au fil des ans : 44% en ont 2 ou plus. Sans surprise, l'automobile est le mode de transport principal de 60% des Français, une situation à laquelle sont directement confrontés les agglomérations et surtout le périurbain. Les automobilistes font maintenant partie de l’équation à résoudre. Très justement, Jean Coldefy a pu affirmer dans une de ses publications que vouloir « diminuer, voire exclure la voiture du système de mobilité, c’est remettre en cause la manière dont les ménages et les entreprises organisent leur vie au quotidien ».

La voiture est ainsi devenue au fil du temps indispensable à une population qui a vu son pays laisser se développer son urbanisation - de la multiplication des zones pavillonnaires en passant par la construction de zones commerciales, pas très jolies jolies. C’est le phénomène de l’étalement urbain (en anglais « urban sprawl ») et, encore, de périurbanisation que le législateur a voulu endiguer (par exemple avec la loi SRU) sans y parvenir vraiment. Alors celle sur les SERM après les avancées de la LOM en 2019, apportera t elle une réponse décisive?

Tandis que le premier phénomène complique la desserte en transports en commun, le second la rend impossible. Depuis plus de 30 ans, les deux tiers de la croissance des grandes aires urbaines s’est produite en dehors des zones agglomérées, ce qui évidemment est devenu très problématique. Raison pour laquelle le succès des SERM dépendra d’une gouvernance revue et corrigée- là où les frontières administratives et politiques ont été surmontées, c’est déjà le cas. Quant au financement, sera-t-il au rendez-vous ? Pas sûr. Faut-il en déduire que la voiture a encore de beaux jours devant elle? En espérant qu'elle parvienne à se décarboner.

Au fil des mois, voilà qu’on parle de moins en moins de « choc d’offre ». Sans doute l’effet d’un remaniement qui n’a pas placé le nouveau ministre en situation de pouvoir promettre grand chose, contrairement à son prédécesseur. C’est en fin de comptes, une lecture possible de la convention citoyenne que le nouveau ministre a appelé de ses vœux.

 

 

 

Auteur

  • Eric Ritter
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