Des collectivités qui misent sur la gratuité, ou presque (cas de la Région) pour gagner la bataille de l’attractivité des transports et donc du report modal.
« Solidaire, écologique et fraternel»: en affichant ces trois objectifs, le président de Montpellier Métropole Méditerranée, Michaël Delafosse, fait de la gratuité des transports publics urbains, un choix politique fort. Il n’est pas sans rappeler le choix, également assumé politiquement, de Carole Delga, la présidente de Région pour les transports régionaux. Certes, la mesure annoncée en Occitanie ne bénéficie qu’aux jeunes de 12 à 26 ans. Le TER est toutefois gratuit, ou presque (un euro), pour tous, tous les premiers week-ends du mois.
Les transports publics urbains gratuits pour Noël
Enfin, la mesure sera effective le 21 décembre. Et elle sera durable. C’est en tout cas la concrétisation d’un « engagement majeur » de la campagne électorale, qui n’a rien d’une promesse lancée à la légère, soutiennent les élus de la majorité PS-PC-écologiste, réunis à l’Hôtel de Ville pour lancer cette journée de «Fête de la gratuité». «La dynamique du versement mobilité nous a permis de progresser vers la gratuité totale, étape par étape», précise Michaël Delafosse, qui rappelle que les transports urbains ont d’abord été librement accessibles les week-ends aux habitants de la métropole, à partir de septembre 2020. Un an plus tard, la gratuité s’appliquait aux moins de 18 ans et aux plus de 65 ans. La prudence (financière) aurait donc été de mise, puisque la gratuité n’est généralisée qu’à la fin 2023.
«C’est possible grâce à la dynamique du versement mobilité (VM), qui a augmenté de 30 M€ sur les quatre dernières années», indique Renaud Calvat, vice-président de la métropole en charge des Finances. Montpellier est attractive, et les entreprises s’y installent ». Pour réaliser la gratuité, il faut en effet miser sur une recette pérenne, au-delà d’être dynamique. Autrement dit, d’un impôt. Certes, le VM n’est pas acquitté par les seules entreprises, comme on le dit parfois. Il est perçu sur tous les employeurs publics comme privés qui emploient 11 salariés et plus. Cette taxe, perçue comme une cotisation sociale rapportera plus de 120 M€ en 2024, avec la promesse qu’il n’y aura pas d’augmentation d’impôts par ailleurs, ni de baisse de l’offre, bien au contraire.
Plusieurs objections sont soulevées. Tout d’abord celle de l’efficacité. Ce que l’on aurait constaté avec la gratuité, c’est essentiellement un transfert des piétons et des cyclistes vers les transports publics. Mais pas de report modal, non.
Celui de la justice sociale, ensuite. Toutes les villes pratiquent déjà la gratuité ou des tarifs très faibles pour les bas revenus. En Ile de France 350 000 personnes ont accès à des transports gratuits et 700 000 personnes disposent de 75% de réduction. Des villes (Strasbourg, Grenoble, …) pratiquent une tarification solidaire en fonction des revenus. La discrimination tarifaire est possible même dans le cas d’un service public à caractère industriel et commercial comme le sont les transports publics urbains. L’essentiel, c’est le traitement égalitaire de chaque catégorie d’usagers.
Qu’il relève de l’efficacité ou de la justice sociale, l’argument de la gratuité est parfois admis pour les petits réseaux - peu coûteux et où l’objet est essentiellement social. Pour les grandes villes, les enjeux et les moyens à mettre en oeuvre sont très différents.
Pour finir, la gratuité n’est généralement accordée qu’aux habitants de l’agglomération. Comment, dans ces conditions, remporter la victoire du report modal si les habitants du périurbain ne bénéficient pas de cette mesure? C’est pourtant entre l’agglomération et la couronne périurbaine que la voiture domine, là que les efforts doivent maintenant principalement porter.
Changement d’outil et nouvelle équation financière?
La mesure de gratuité s’accompagne logiquement d’un changement d’outil juridique. La société d’économie mixte a été transformée en société publique locale (SPL), qui reste certes une « société » mais à capital entièrement public (les parts détenues par Transdev ont été rachetées par la métropole). Pour autant, l’opérateur conserve l’exploitation du réseau périurbain. C’est avec cette nouvelle entité juridique que le contrat de délégation de service public du réseau TaM devra être renouvelé en 2025. Et c’est dans le cadre de ce futur contrat que se posera la question d’une nouvelle subvention d’équilibre, nécessaire à partir de 2026 en raison du développement du réseau. Car les transports, même tarifés, n’équilibrent pas leurs comptes. Ils sont structurellement déficitaires.
Comment financer la future ligne 5 du tramway, prévue pour le second semestre 2025, qui traversera la métropole du nord à l’ouest sur 16 km et 27 stations? Un investissement de 440 M€ pour la collectivité, avec notamment la commande de nouvelles rames CAF (77 en tout, dont une partie destinée au renouvellement du parc existant). Autres projets d’extension du réseau: celui de la ligne 1 qui doit relier la gare TGV Sud de France, mais aussi 5 lignes de BHNS; comment les financer?
Une nouvelle articulation entre la Région et la Métropole est-elle au coeur du dispositif? C’est peut-être dans l’évolution du capital de la société publique locale que se trouve une partie de la réponse, les besoins de mobilité ignorant tout des frontières administratives dans lesquelles les politiques de transport sont encore conçues, organisées et…financées.
Car tarifés ou pas, peu ou pas, les transports ne sont jamais gratuits.