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Xavier Bertrand répond à Eric Ritter

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Entretien avec un président entrepreneur

 

Il en contestera peut-être le qualificatif, lui qui, à la tête de la Région des Hauts de France ne cesse de dire que ce ne sont pas les élus qui créent des emplois, mais les entreprises. Pourtant, Xavier Bertrand, défend les « politiques »; à condition qu’ils soient pragmatiques et ambitieux pour leur région. La réindustrialisation ne repassera pas les plats, c’est cette idée qui semble animer le président de Région. Il y a urgence à agir, pour réussir une transition énergétique qui maximise les atouts du territoire, tout en le transformant. La volonté d’innover ne fait pas l’économie de la prudence. C’est dans cet interstice que se situe une marque de fabrique.

 

Eric Ritter : Les régions ont des compétences clés dans le domaine de la mobilité : elles peuvent ainsi agir contre le réchauffement climatique, tout en facilitant la mobilité de nos concitoyens; mais vous semblez avoir donné un tour tout particulier à ces enjeux avec une ambition qui touche à l’emploi dans votre région. Est-ce que vous pouvez revenir sur cette stratégie et nous parler des prochaines étapes ?

Xavier Bertrand: Face au réchauffement climatique, nous devons nous adapter et changer nos habitudes. Ces changements passent clairement par une transformation d’ampleur de notre industrie. Dans les Hauts-de-France, grande Région automobile, nous avons fait le choix d’investir massivement aux cotés des constructeurs et des industriels afin de continuer à produire des voitures, plus propres. Est née de cette volonté, la création de cette grande vallée de la batterie dont on parle régulièrement aujourd’hui. Tout a commencé en 2019 avec ACC (Automotive Cells Compagny) où nous avons décidé, avec les intercommunalités concernées, en deux semaines seulement, d’investir 121 millions d’euros. Aujourd’hui, ce sont 4 gigafactories qui vont ouvrir et une filière entière qui est en train de se constituer dans les Hauts-de-France : de l’aval à l’amont, du raffinage du graphite jusqu’au recyclage des batteries, et nous ne comptons pas nous arrêter là. Notre objectif est que cette vallée de la batterie s’étende dans toute la Région. Mais entendons-nous bien, cette transformation autour des mobilités ne se résume pas qu’à l’industrie automobile et aux seules batteries électriques. Je peux bien évidemment parler de la place importante qu’occupe l’industrie ferroviaire en Région et plus largement en France (la région est la 1ère région en France). Nous sommes aussi la 2ème Région en nombre de projets sur l’hydrogène et je pourrai citer bien sûr le chantier du siècle, le Canal-Seine-Nord-Europe, qui va profondément transformer la mobilité dans notre Région et permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre et désengorger l’autoroute.

 

ER: Les Hauts-de-France se distinguent par des initiatives fortes en matière de transports, mais elle se caractérise par un besoin de déplacement et une dépendance à la voiture pour les trajets domicile-travail plus élevés que la moyenne nationale. Comment comptez-vous résoudre ce problème ?

XB: Nous avons voulu apporter très rapidement des réponses à cette problématique des trajets domicile-travail. D’abord, pour ceux qui sont obligés de prendre leur voiture, ces habitants des zones rurales, souvent oubliés des politiques publiques, pour qui le métro, c’est leur voiture. Dès 2016, nous avons mis en place une aide au transport pour eux de 240€ par an. Ensuite, en prenant un engagement. Celui de ne fermer aucune ligne de train ni aucune gare. La Région a même décidé, en 2016, de reprendre deux lignes de TET (Trains d’Équilibre des Territoires) pour ne pas les voir fermer. Réduire la dépendance à la voiture pour les trajets domicile – travail passera obligatoirement par un meilleur service ferroviaire. C’est pourquoi nous avons souhaité lancer très vite l’ouverture à la concurrence des lignes TER dans les Hauts-de-France avec un seul objectif : un meilleur service pour les usagers. Parallèlement à cette ouverture à la concurrence, nous investissons pour offrir un meilleur service et davantage de confort. Depuis 2016, la Région Hauts-de-France a investi près de 1,2 milliard d’euros dans le matériel TER : 602 millions d’euros pour commander des nouvelles rames et 585 millions d’euros pour en rénover.

 

ER: Votre Région passe des contrats avec des transports pour l’exploitation de lignes routières. Quelle impulsion donnez-vous à la transition énergétique dans ce secteur ?

XB: Chaque jour, 240 000 élèves et habitants prennent le car dans les Hauts-de-France. La fréquentation des cars régionaux montre aujourd’hui qu’ils sont un moyen de déplacement, responsable et durable, largement plébiscité par les habitants de la Région. Cette affluence fait suite à la mise en place de la gratuité des transports scolaires et de la création d’un tarif unique des billets de cars à 1€ dans toute la Région, deux dispositifs qui rendent les transports collectifs attractifs. 1 autocar, c’est 30 voitures en moins sur la route. Cela veut dire que le transport collectif, même non-décarboné, présente un meilleur bilan carbone. Si la profession s’engage fortement dans la transition écologique et énergétique afin de réduire son impact environnemental et sa consommation d’énergie, notre rôle, en tant qu’autorité organisatrice est principalement de s’assurer que nos cars soient accessibles à tous les habitants et qu’ils desservent l’ensemble des territoires avec un cadencement satisfaisant.

Pour autant, nous sommes désireux de verdir la flotte d’autocars en circulation dans la Région Hauts-de-France. Notons d’ailleurs qu’il y a un enjeu d’investissement plus important pour les TPE-PME que pour les grandes entreprises. Il faut être conscient de la réalité économique des petites entreprises de transport, souvent familiales, qui ne pourront pas avancer au même rythme.

La Région Hauts-de-France travaille aussi sur les sources d’énergie durable, comme l’hydrogène. En 2019, nous avons par exemple inauguré la première station de production d'hydrogène dans le Pas-de-Calais qui sert à alimenter six lignes à haut niveau de service. La Région Hauts-de-France, entend donc bien continuer à développer son offre de transport collectif de voyageurs, pour répondre aux enjeux de la transition écologique et énergétique, ainsi qu’aux besoins des territoires.

 

Auteur

  • Eric Ritter
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