Projet de loi sur le développement des lignes routières : Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports, joue la prudence; Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, la détermination !
Y aurait il deux lignes politiques au sein de gouvernement ? Au départ on pourrait penser que non : le projet de loi pour la croissance et l'activité porté par Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, était dans les cartons de son prédécesseur à Bercy, Arnaud Montebourg, et il fait très clairement parti des engagements de réformes structurelles pris à Bruxelles en avril 2013.
Mais plus le dossier progresse plus les divergences apparaissent entre ceux qui voudraient ouvrir franchement le marché (Thierry Mariani en son temps ayant déposé un projet de loi en ce sens) et ceux qui y sont plus réticents. A tel point que le secrétaire d'Etat aux Transports en exercice, Alain Vidalies, plutôt discret sur le sujet, parle de "verrous" que le projet de loi doit mettre en place afin que les futures lignes routières ne viennent pas concurrencer des lignes ferroviaires existantes.
A la question posée par Evelyne Didier, sénatrice PC de Meurthe-et-Moselle, le 21/11, il s'est voulu rassurant : "Je veux être très clair : il ne s'agit pas - le texte mettra les verrous nécessaires - d'organiser ni même de prendre le risque que s'organise une concurrence avec les lignes ferroviaires gérées par les régions, et notamment les transports express régionaux, les TER. Cela n'a strictement rien à voir".
Etrange réponse à une question qui portait plutôt sur les moyens des régions dans la perspective d'un accroissement de compétences (transfert de tous les services routiers d'origine départementale). Eléments de langage certainement, car la suite de la réponse est plus nettement favorable au mode routier, dont l'heure est manifestement venue. "Qu'on le veuille ou non, poursuit Alain Vidalies, un modèle de transport par autocar sur de longues distances - plus de 200 km - à l'intérieur d'un même pays se développe actuellement en France et plus encore en Europe. On peut faire tous les discours qu'on veut, mais le constat est là".
Comment rassurer les tenants du tout ferroviaire ? Sans doute en s'appuyant sur des exemples étrangers sans insister sur l'importance considérable des sommes consacrées au mode ferré : surtout pour les liaisons de type national (TET), alors que des liaisons par autocar pourraient offrir une bonne qualité de service à coup réduit pour la collectivité, ce dont parle précisément la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Ce texte avait définitivement tourné la page d'une coordination rail-route qui avait gelé les liaisons routières, même si la profession autocariste a surtout retenu la disparition des droits patrimoniaux.
Que dit le projet ?
Le refus de développer une liaison infrarégionale relèvera en dernier ressort d'une autorité administrative indépendante, l'ARAF version 2. Elle examinera dans la transparence les raisons qui peuvent faire obstacle à la création d'une ligne routière. Celle-ci étant aux risques et périls quand la liaison ferroviaire elle est subventionnée, rappelons-le toutefois. Il n'est pas nouveau que le service public bénéficie d'une protection compte-tenu des contraintes particulières qu'il supporte.
C'est d'ailleurs ce que réplique la sénatrice Evelyne Didier au secrétaire d'Etat : "je prends note de vos propos qui sont très intéressants. Je me permets toutefois de souligner qu'il n'existe pas d'égalité de traitement entre le rail et la route... Les entreprises de transport routier par bus ou par camion ne supportent pas cette charge. Il y a donc une distorsion de concurrence, comme nous ne cessons de le rappeler. Je rappelle aussi que les routes sont entretenues par les collectivités. C'est pourquoi nous souhaitons qu'un rééquilibrage soit opéré".
De "rééquilibrage", il ne peut être question, sauf à supprimer les obligations de service qui grèvent les services ferroviaires. C'est plutôt à une concurrence intermodale qu'il faudrait songer. La régulation du marché est en marche. Avec toutefois une vraie audace concernant les liaisons non pas infrarégionales mais nationales : elles seraient totalement libres.