Une interview exclusive, en guise de passage de témoin. David Azema, qui prendra la tête de Keolis le 7 juin prochain, s’exprime pour la première fois sur ses futures attributions. Une prise de parole faite de concert avec Michel Bleitrach, son prédécesseur, qui tire le bilan de sa présidence de l’opérateur avant de se consacrer plus assidûment encore à celle de l’UTP.
Comment cette recomposition du capital et ce changement de présidence sont-ils vécus en interne ?
David Azema Même s’il figurait dans le communiqué de presse, je pense que le terme de recomposition n’est pas le plus approprié. Le fait que la SNCF passe de 56 à 70 %, et que la Caisse de dépôts et placement du Québec (CDPQ) monte à 30 % s’inscrit plutôt dans une évolution. Il n’y a pas de surprise dans cette nouvelle répartition des parts. L’actionnaire majoritaire reste le même et son plus important partenaire prend plus de poids. De plus tout cela correspond largement a ce qui pouvait etre anticipé en 2007. Axa Private Equity avait prévu une possibilité de sortie après cinq années. Le synopsis qui avait été présenté a été parfaitement respecté.
Michel Bleitrach : J’ai de mon côté réuni récemment les managers du groupe afin d’évoquer cette évolution. La sérénité est de rigueur, il y a d’autant moins d’inquiétude chez nous qu’il y en a ailleurs.
Comptez-vous porter une ambition nouvelle pour l’entreprise que vous prenez en main ? Quelles seront les premières décisions, orientations que vous comptez prendre pour marquer votre entrée en scène ?
D. A. Il serait présomptueux et bien trop tôt de m’avancer sur le sujet. La définition des ambitions dépend également de la volonté des actionnaires. Mais, quand le cap est bon et le temps clément, on ne va pas donner de violents coups de barre. L’avenir de Keolis devrait s’inscrire dans la continuité d’une première phase de développement qui a tenu ses promesses. Les actionnaires souhaitent voir le groupe poursuivre sa croissance sans renier la stratégie historique. La progression à l’international continuera à se faire à partir d’un socle hexagonal toujours plus solide. En ce qui me concerne, j’ai été administrateur de Keolis, mais pas suffisamment de temps pour bien comprendre cette maison, sa culture, ses forces et ses faiblesses. Cela constituera ma première mission et cela passera également par la compréhension de nos clients. Dans un premier temps, je vais observer, écouter, m’imprégner, apprendre... L’objectif est de me forger une opinion par moi-même, au contact des réalités du quotidien. Je ne puis me fier à de simples dossiers, ou aux dires de l’homme qui a vu l’homme, qui a vu l’homme...
Que modifie la recomposition du capital dans la stratégie à moyen et long terme pour Keolis, notamment en matière de croissance externe ?
D. A. La croissance externe n’est pas une fin en soit mais un moyen. Nous avons tendance à préférer la croissance organique, qui nous semble plus intéressante. Mais, ces deux options existent et même dans le cas d’une croissance organique, il peut être nécessaire d’injecter des capitaux. Guillaume Pepy, en accord avec la CDPQ, a déclaré que Keolis entrait dans une nouvelle phase de développement et que nos actionnaires nous soutiendraient dans les projets que nous porterons, à condition que nous restions dans une logique de croissance rentable.
M. B. Nous avons quelques projets qui se dessinent, notamment en Asie. Mais l’objectif n’est pas de se lancer dans des opérations à risque dans le seul but de croître et sous prétexte de nouveaux moyens. Nous n’avons jamais mis de côté un développement faute de capacité financière ou d’un soutien de notre pacte d’actionnaires. Nous avons manqué l’opportunité que représentait la vente de Transdev, mais nous n’avons jamais reçu une interdiction de nous lancer dans cette opération.
D. A. Le développement à l’international n’est pas qu’une question de moyens. Keolis a toujours respecté la logique de bases pour assurer son rayonnement dans différentes régions dans le monde. Aujourd’hui nous avons pris pied en Asie, et plus particulièrement en Inde avec le métro automatique d’Hyderabad. Cela nous permettra de mieux saisir les opportunités qui se présenteront. Même avec plus de moyens, nous resterons sélectifs dans nos projets. Nous nous donnerons encore et toujours la possibilité de dire non.
Votre départ de la tête de Keolis modifie-t-il votre implication au sein de l’UTP ? Serez-vous plus libre dans vos prises de parole ?
M. B. Ma liberté d’expression au sein de l’UTP ne changera pas. Je resterai à la fois le porte drapeaux de la profession et des opérateurs dans leur ensemble, et le porte parole de Keolis et de la SNCF au sein de l’UTP. Cette fonction de président de l’UTP est un exercice quasiment schizophrénique, auquel je me suis habitué depuis ma prise de fonction. Aussi, j’assumerai mon mandat jusqu’à son terme en juin. En revanche, le fait de ne plus être aux opérations de Keolis me laissera plus de temps, notamment pour aller en région et mettre en avant les sept leviers, que nous avons identifié, et qui permettront d’améliorer le report modal.
Retrouvez l’interview dans son intégralité dans le numéro 906 de Bus & Car Transport de Voyageurs, à paraître le 1er juin et diffusé sur le salon Transports Publics 2012 du 5 au 7 juin.