Enjeu phare pour les autocaristes depuis des années, la création de lignes routières d’intérêt national – ou lignes express nationales – semble en pole position. Les études se multiplient et le monopole de la SCNF est en passe de céder. Interview de Michel Seyt, président de la FNTV et de l'Apam.
Le contexte semble propice à autoriser la création de lignes routières nationales dans l'Hexagone. En tant que président de la FNTV et de l'Apam, pensez-vous que ce dossier puisse être bouclé rapidement ?
Michel Seyt : Depuis le temps que l'on en parlait, ça y est, on y est ! Naturellement, le président de la FNTV s'en réjouit. Les réflexions menées au sein de l'Agence pour l'accompagnement à la mobilité (Apam), avec nos collègues de l'urbain et la SNCF, ont été également fructueuses. Chacun a pu formuler ses propositions.
Il faut maintenant une volonté politique réelle. Elle serait la traduction de l'objectif de réduction des gaz à effet de serre fixé par le Grenelle (-20% d'ici à 2020) tout en permettant d'offrir à nos concitoyens un transport moderne et populaire au moment où l'on parle d'une plus grande rigueur de gestion budgétaire tant au niveau national que local. À la FNTV, nous n'avons cessé de rappeler le paradoxe qu'il y a à disposer d'infrastructures routières et autoroutières de grande qualité sans en même temps miser sur le transport routier de voyageurs pour des liaisons régulières express nationales.
Les réflexions en cours envisagent plusieurs cas de figure. Souhaitez-vous de votre côté une libéralisation pure et simple, ou une distinction claire entre des lignes conventionnées... concurrentes ou non de lignes SNCF ?
Le terme de libéralisation n'est pas approprié. Pour un développement harmonieux et durable des transports publics, nous croyons à une forme ou une autre de régulation publique. Si nous pensons que l'ouverture de lignes régulières commerciales a tout son sens dans notre pays, nous savons en même temps que l'on ne peut pas laisser faire n'importe quoi. Selon les cas de figure, la régulation que nous appelons de nos vœux peut prendre la forme d'une déclaration sous conditions (respect par l'opérateur de garanties financières, techniques et de sécurité) ou d'un appel d'offres (idem, mais en plus respect d'obligations de service public dans une logique d'aménagement du territoire).
Le sujet le plus délicat, à mon sens, pour la régulation publique à mettre en œuvre, c'est l'arbitrage entre les modes routier et ferroviaire. Il appartiendra aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités. Faut-il, dans certains cas, continuer à privilégier le transport ferroviaire pour une desserte d'aménagement du territoire ou miser sur un transport routier qui présente un bon bilan économique et écologique ? Nous connaissons tous des lignes ferroviaires déficitaires, sous fréquentées, qui coûtent énormément d'argent à la collectivité. Nous pensons qu'il est de l'intérêt de l'ensemble des opérateurs à voir évoluer notre système, aussi bien routier que ferroviaire. Et puis il y a des cas où il n'existe plus de ligne ferroviaire, des cas où seule la voiture particulière permet d'effectuer le trajet. Faut-il en rester là au lieu d'offrir à nos concitoyens la possibilité d'utiliser une ligne express routière ? Comment fait-on un Lille-Metz, par exemple ? À la FNTV, nous sommes convaincus qu'il est possible de lancer rapidement des lignes interrégionales reliant entre elles les métropoles.
En cas de conventionnement, quelle serait, selon vous, la meilleure autorité organisatrice de liaisons nationales conventionnées ?
Là, on rentre dans le détail. Il y a, d'un côté, les lignes commerciales que nous appelons de nos vœux. Dans la mesure où elles restent aux risques et périls, elles ne nécessitent pas de conventionnement mais sont exploitées sur la base d'un régime administratif simplifié : une déclaration sous conditions. C'est typiquement aux hubs aériens que nous pensons, mais aussi aux gares ferroviaires qui ne disposent pas, pour le moment, d'une desserte en transport public digne de ce nom.
D'un autre côté, il y a des cas où un conventionnement avec une autorité organisatrice sera nécessaire, dans une logique de service public. Les opérateurs sont naturellement favorables à la coordination des politiques locales de transport, dans un souci d'efficacité. Mais il faut se garder d'un esprit de système. Il existe dans notre droit suffisamment de formules que peuvent utiliser les collectivités publiques : délégation de compétence, collectivité chef de file, coordination par contrat, etc. C'est une question de volonté politique. Les opérateurs répondront.
Lire la suite de cette interview recueillie par Pierre Cossard dans Bus & Car n°860 du 2 juillet 2010 :
Les lignes express nationales passent leur permis de séduire (réservé abonnés)