Président de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), Michel Seyt livre un premier commentaire de la loi Grenelle 2 adoptée le 11 mai 2010 par les députés. Un texte plutôt positif pour les autocaristes selon lui. Mais que les politiques auront à mettre en œuvre.
Comment jugez-vous l'adoption du Grenelle 2 à l'Assemblée nationale le 11 mai ? Le cadre maintenant défini vous paraît-il suffisant ?
Michel Seyt : L'essentiel est entre les mains des politiques, en particulier au niveau local. C'est évidemment le cas pour la desserte des territoires urbains et périurbains. Dans nos discussions avec les élus locaux, nous saurons démontrer l'efficacité et le bon bilan économique et écologique du transport routiers de voyageurs, que l'on observe déjà dans l'interurbain.
Estimez-vous que le texte tient suffisamment compte du poids du transport collectif comme instrument de protection de l'environnement ?
On reparle des transports interurbains, c'est assez étonnant, lorsqu'on songe qu'ils ne figuraient plus dans la loi d'orientation des transports intérieurs. On parle de transports périurbains aussi, ce qui souligne la dynamique des territoires. Au-delà de cela, le Grenelle 2 est sans surprise. La loi est dans la droite ligne des orientations du Grenelle 1 : le texte confirme l'importance des transports collectifs de personnes pour parvenir à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Priorité est donc donnée à leur usage, il faut s'en féliciter.
Il faut aussi se rappeler l'objectif principal de l'engagement national, lors du Grenelle 1, de revenir au niveau des émissions atteint en 1990, ce qui équivaut à se fixer un objectif de - 20% d'émissions d'ici à 2020 (article 2). Il faut s'en souvenir, car plusieurs opportunités en faveur d'un transport routier durable et responsable se profilent à l'horizon : je ne citerai ici que le cabotage sur les lignes routières internationales et, nous l'espérons vivement, la possibilité de créer des liaisons routières nationales, un sujet qui a été relancé en septembre 2009 par Dominique Bussereau. Naturellement, c'est l'ensemble de nos activités que nous souhaitons promouvoir à cette occasion, et notamment le maillage territorial que réalisent les réseaux départementaux ou régionaux de transports.
Le Grenelle 2 modifie-t-il l'équilibre de traitement entre les différents modes de transports collectifs ?
Le Grenelle 1 donnait un élan général aux transports collectifs, avec, il faut bien le dire, un avantage certain accordé au transport ferroviaire, y compris pour la desserte des territoires interurbains et périurbains - son article 12 - où le transport routier dispose pourtant d'un bon bilan économique et écologique.
Cette fois, le Grenelle 2 entre dans le détail des mesures à adopter. Il donne satisfaction à d'anciennes revendications de nos collègues urbains, en particulier cette possibilité offerte par la loi de créer une taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d'une infrastructure de transports collectifs en site propre. Cette possibilité existe dans d'autres pays, notamment au Japon. Elle a fait l'objet de nombreux débats depuis une dizaine d'années, ce qui montre, par parenthèse, le temps de maturation nécessaire pour l'adoption de mesures en faveur des transports collectifs dans notre pays. Nous pensons que cette taxe, qui peut être instituée au niveau urbain mais aussi par les régions et l'État, peut permettre le financement de projets qui assurent un réel transfert modal, de la voiture particulière aux transports collectifs.
Nous pensons également que si les projets urbains et périurbains intègrent une vision multimodale, la réalisation de gares routières pourrait s'en trouver facilitée. C'est en tout cas une piste de progrès que nous souhaitons creuser à l'occasion de la réforme des collectivités territoriales. Je rappelle en effet que la FNTV a signé avec l'État une charte de développement durable qui nous engage tous en faveur d'une réduction des émissions de C02. D'ailleurs, nous nous livrons actuellement à des expérimentations dans une dizaine d'entreprises et nous savons que nous disposerons, à terme, d'un éco-comparateur qui mettra clairement en lumière notre bon bilan environnemental.
Certains aspects du texte semblent favorable à un développement de l'intermodalité, comment analysez-vous par exemple les compétences accrues qui sont proposées aux AO urbaines ?
Nous remarquons en effet, dans le Grenelle 2, des dispositions favorables à la coordination des compétences des autorités organisatrices. La première concerne au premier chef les AO urbaines, puisqu'il s'agit de parvenir à une meilleure coordination des compétences transports, voirie et stationnement. Elle pourrait avoir des incidences en faveur des transports interurbains et périurbains (article 16). Cette mesure nous apparaît comme intégrant une logique non exclusivement urbaine, nous y sommes donc particulièrement favorables. Nous rappelons en effet régulièrement le rôle joué par les autocars dans la desserte des zones denses - des zones interurbaines ou périurbaines - de nos territoires. L'efficacité et la souplesse qu'offre aux autorités organisatrices le transport routier non urbain de voyageurs sont au programme de toutes nos actions de sensibilisation, notamment l'intérêt que revêt sa convention collective.
La périurbanisation est clairement mise en avant dans le texte, quelles cartes l'autocar pourra-t-il jouer dans ce contexte spécifique ?
La seconde mesure (article 22 bis) prend en compte le phénomène de périurbanisation, à travers l'existence de plusieurs périmètres de transports urbains inclus dans une agglomération de plus de 100 000 habitants. Cette disposition encourage les autorités organisatrices urbaines et interurbaines à coordonner leurs actions sur ce territoire. Ce n'est qu'une recommandation. On le sait, en la matière, l'essentiel est entre les mains des politiques.
Nous accordons toutefois une importance très grande à l'outil que constitue le plan de déplacements urbains. Pas uniquement pour reparler des gares routières, les grandes oubliées de la LOTI. Mais surtout parce que cet outil s'impose comme un outil d'évaluation des mesures prises en faveur de la lutte contre les émissions polluantes. Le développement du covoiturage ou l'autopartage, lorsque les véhicules utilisés sont propres, y contribueront. Mais pas uniquement. Nous pensons que les bons arguments économiques du transport routier de voyageurs, en pénétrante ou en cabotage dans les zones urbaines ou périurbaines, pourra y contribuer aussi de manière substantielle.
À l'heure de la coordination des politiques transports, le travail réalisé partout en faveur de réseaux départementaux et régionaux ne pourra pas être oublié.