"Pour ce qui est de la question de la restitution du CICE, je vous confirme que cela est en effet totalement illégal, dans le domaine des transports comme dans d’autres", a annoncé le secrétariat d'Etat aux Transports. Cette restitution a pourtant tendance à se développer. C’est ce que montre l’enquête, cette semaine, de Bus & Car Transport de voyageurs. Un enjeu aussi significatif que les sommes en jeu : 4% des salaires bruts en dessous de 2,5 Smic en 2013, 6% jusqu’en 2016, ce n’est pas rien.
Au moment de renouveler leurs contrats, les autorités organisatrices (AO) demandent aux candidats d’abaisser leurs prix du montant de leur Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Le groupe Transdev y réagit vivement : "pour les contrats en cours, le CICE a provoqué des débats dans les AO sur son utilisation ou même sa restitution. Pour les nouveaux contrats, de nombreuses AO imposent la restitution ce qui est contraire à l’esprit du mécanisme". Le secrétariat d'Etat aux Transports ne s’alarme pas : "nous n’avons pas eu connaissance de telles pratiques pour l’instant".
Un transfert dans les restitutions annuelles
Dans la pratique, effectivement, que faire ? Comment, cette diminution de charges n’entrerait-elle pas dans les discussions d’appels d’offres, alors que les contrats de transport se négocient quasiment à livres ouverts du côté des transporteurs et sur des montants de marge qui peuvent être inférieurs au CICE ? "Parfois centaines d’euros par centaines d’euros. N’oublions pas non plus que nos marges, 4% ou 5%, incluent les aléas ", rappelle Michel Bellier, Pdg des Voyages Bellier à Combourg, en Ille-et-Vilaine.
Le phénomène conduit Michel Seyt, président de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), à un certain fatalisme. "Nous dépendons des marchés publics. Et en définitive, c’est à nos clients, les collectivités que nous faisons profiter de tous les dispositifs créés en faveur de nos entreprises".
Dans la pratique, le transfert du CICE des transporteurs vers leurs AO commence sous une autre forme plus ordinaire - et légale, cette fois - dans les contrats en cours à travers les restitutions annuelles calculées, entre autres, à partir de l’indice Insee des charges patronales. Le CICE étant considéré comme une diminution de charges patronales, l’indice baissant, les restitutions diminuent automatiquement. "Le gasoil diminue aussi. Alors que nous touchions entre 150 000 et 200 000 euros de restitution, nous devons en définitive 100 000 euros à notre AO pour 2013", raconte même Martine Chauvin, la directrice générale du réseau de transports publics de Saint-Brieuc.
Rendre des comptes
Au final, l’effet levier du CICE dans les transports publics, sur l’emploi, l’investissement, les salaires et les prix risque d’être difficile à saisir dans les seules entreprises de transport. Il faudra le mesurer à l’échelle de l’ensemble du secteur, AO comprises. Mais dans un premier temps, les entreprises vont devoir rendre compte de son utilisation. Comme il est impensable parce qu’illégal de faire mention de "restitution de CICE" dans les nouveaux contrats de transports, il sera impossible qu’elles la mentionnent dans leurs comptes, devant leur comité d’entreprises. Comme dans la note sur l’utilisation du CICE à présenter en annexe de leur bilan que les députés viennent de décider. Il fait peu de doute pourtant que certains syndicats, administrations chercheront sans doute à y voir un peu plus clair.