Par sa faute, Keolis pourrait bientôt fermer boutique dans le Cher. Le 5 septembre, le rapporteur public du tribunal administratif d’Orléans a demandé le rejet de sa requête en annulation ou résiliation du contrat, signé en juin 2010 avec le conseil général du Cher qui lui fait perdre 100 000 euros par mois.
Keolis accuse le département d’avoir accepté sa réponse à appel d’offres, erronée et visiblement incohérente, puisqu’aboutissant à un prix au tiers de celui de ses concurrents. La décision du tribunal doit tomber début octobre mais Laurent Cochain, directeur de la filiale Keolis Centre estime qu’«aucune entreprise n’a vocation à perdre 1 million d’euros par an sur un marché de 2,5 millions d’euros pendant sept ans, la durée du contrat».
Dans le Cher, Keolis est le deuxième transporteur derrière RATP Dev, détenant environ 40% du transport interurbain et scolaire. En 2010, un manque de précision dans les chiffres a abouti à une sous-évaluation de son prix kilométrique dans la réponse à l’appel d’offres. Le département s’est fondé sur ce chiffre pour établir son bordereau contractuel. «Aucune demande d’explication, ni consultation n’a eu lieu entre le dépôt de l’offre et la réponse favorable du département, en dépit de l’écart considérable entre notre prix et celui des concurrents», fait remarquer Laurent Cochain.
Les relations, historiquement tendues, dans le Cher, entre le conseil général et Keolis, ont fait avorté les tentatives de correction du contrat à l’amiable. «Nous sommes allés en justice parce que le département n’avait manifestement plus la volonté de remédier à la situation», raconte Laurent Cochain. Contacté, le conseil général se «refuse à toute communication sur le différend jusqu’à la décision du tribunal».
A l’audience du 5 septembre, Jean-Pierre Charles, vice-président du conseil général en charge des transports, a déclaré au Berry Républicain : «Keolis connaissait parfaitement la situation et les besoins financiers qui en découlaient».
Le budget transport du conseil général du Cher est resté stable entre 2009 (14,7 millions d’euros) et 2011 (14,4 millions d’euros). Le département a notamment utilisé les économies réalisées sur le contrat avec Keolis, à l’embauche d’une société de contrôle des transports scolaires. Interrogé par le personnel de Keolis Centre, sur la perspective de voir leur groupe se retirer du Cher, Jean-Pierre Charles s’est dit prêt à reprendre le personnel, par le biais d’une société publique locale (SPL).
Keolis s’est donné trois ans pour régler la situation de sa filiale dans le Cher (107 salariés, 7 millions de chiffre d’affaires) en déficit structurel. En cette rentrée 2012, l’exploitation a été revue. Les temps partiels, sous forme de contrats de conducteurs en période scolaire (CPS) ont notamment été multipliés. «Nous ne sommes plus que 25 conducteurs à temps plein sur 90», indique Eliane Gimonet, déléguée CGT. Le personnel «qui en a un peu marre de cette situation» a fait grève deux jours, les 5 et 6 septembre derniers pour réclamer une augmentation «au-delà des 2,4% de la branche». Sans rien obtenir, logiquement, compte tenu de la situation.