Le style est « relax », mais il ne faut pas s’y tromper. Et pour cause, si André Schwämmlein affiche souvent un sourire, il sait qu'en rongeant patiemment son frein, Flixbus, dont il est cofondateur, doit être prêt à accompagner le besoin de mobilités de nos sociétés - un enjeu considérable pour une plateforme qui a parfaitement saisi ce besoin, et s’est dotée, au fil des années, des moyens d’y parvenir.
Des bus mais aussi des trains
Confiant, le cofondateur de Flixbus peut l’être maintenant, même s’il semble ne jamais en avoir douté : 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, soit une hausse de 30 % sur un an dont plus de la moitié (1,186 Md€) réalisé en Europe, où l’activité a augmenté de 46%, soit 55 millions de passagers transportés pour une rentabilité opérationnelle (Ebitda) de 13,9%, soit 165 M€. En Allemagne, le réseau FlixTrain a enregistré une hausse de fréquentation de 35%, en relation avec le développement de l’offre (50 gares desservies, dont 31 en plus par rapport à l’année précédente).
Soit plus de 81 millions de voyageurs ont utilisé les services Flixdans le monde l’an dernier. 12 millions de passagers ont choisi les services FlixBus aux Etats-Unis, Canada et Mexique, et pas moins de 14 millions en Turquie. Du côté de la rentabilité opérationnelle globale, elle s’établit à 104 M€, en hausse par rapport à l’an dernier. La plateforme a développé ses activités au Chili l’an passé avec 35 destinations, et vient de lancer son offre en Inde, début février 2024, avec 46 destinations.
L’entreprise qu'il a cofondée en 2013 et qui emploie déjà 5.500 salariés dans le monde (dont 60 en France) et qui dessert 43 pays (en Amérique, Asie et Europe), a pu laisser sceptique en France. Je m’en souviens.
Le prix, le prix, le prix
"Le système" eut ses partisans et ses détracteurs. Peu importe, car c’est bien d’un système dont il s’agit, et il repose sur le prix. Il faut le comprendre. Le résultat est là. En France, ce sont 250 arrêts que les voyageurs peuvent utiliser pour emprunter ces bus verts - couleur de l’origine marketing du groupe, exploité par des entreprises indépendantes du transport routier de voyageurs. Les offres, il faut le dire, attirent plutôt des jeunes, étudiants, employés, CSP- qui viennent chercher surtout des prix attractifs. En 2023, le billet moyen coûtait 18 euros pour un trajet moyen de 400 kilomètres. Imbattable si l'on compare aux 44 euros du billet moyen d'un TGV en 2021. La stratégie de l'entreprise qui a eu son berceau à Berlin mais s’est déplorée à partir de Munich est clairement donnée aux prix bas, quitte à demeurer sur un segment low cost. Et les surprises vont avec, notamment en cas d’affluence où les prix peuvent grimper.
Mais la préparation et la méthode sont au rendez vous qui ont assuré le succès du projet qui a pris son top départ au moment de la libéralisation intervenue en Allemagne en 1994. D’où le système dont on parle. Des expansions ont été réalisées au Brésil, au Chili, en Inde et aux Etats-Unis où nous avons racheté l'entreprise centenaire Greyhound. Les technologies qu’utilisent Flixbus pour optimiser la tarification ou le remplissage des bus m’avaient déjà impressionnéss en 2014/2015, lors d'une visite à Munich. Le pari très international de la plateforme a été payant quand d’autres songeaient à un marché plus local, presque franco français. Erreur. Ce qui n’exclut nullement une position dominante en France pour Flixbus, alors que BlaBlaCar, son principal concurrent, continue de faire de la résistance. De fait, la France est des pays les plus importants pour Flixbus, il vient juste après l'Allemagne, environ à égalité avec l'Italie.
Système il y a, car le réseau de la plateforme est européen, et si fortement interconnecté que les frontières nationales s’y effacent au profit d’une logique de ligne. Les plus fréquentées sont, en France, Clermont-Lyon, Lille-Paris et Paris-Lyon alors même que peut exister une solution en train! Ce qui compte c’est le trafic, la clientèle est là qui joue des prix très attractifs proposés par Flixbus. Et à l'international : Berlin-Hambourg, Paris-Bruxelles et Lisbonne-Porto.
Des résultats plutôt bons qui n'occultent pas la nécessité d'atteindre aussi des objectifs de transition écologique et énergétique. Flixbus veut en effet atteindre la neutralité carbone pour l'activité européenne - en 2040 -, et en 2050 pour le reste du monde.