La SNCF pourrait être écartée d’un appel d’offres dans le Maryland aux Etats-Unis, si elle ne verse pas d’indemnités aux victimes de la Shoah et à leurs familles, résidant sur le territoire américain. Des survivants et leurs descendants ont témoigné le 10 mars dernier devant l’assemblée du Maryland contre la société ferroviaire.
La SNCF brigue un contrat de six milliards de dollars dans l’Etat du Maryland aux Etats-Unis pour la création d’une ligne ferrée de 26 km, la "Purple Line", reliant les comtés de Prince George et de Montgomery. Retenue dans le cadre d’un appel d'offres, la société Keolis, détenue à 70% par le groupe ferroviaire français, pourrait perdre ce contrat de trente ans si elle ne verse pas au préalable des indemnités aux victimes de la Seconde Guerre mondiale installées sur le territoire américain, et à leurs familles. La SNCF, réquisitionnée par le régime de Vichy entre 1942 et 1944, a déporté 76 000 juifs français dans des wagons de marchandises vers des camps de travail ou d'extermination, dont seulement 2 000 auraient pu en réchapper.
En février, deux élus avaient déposé un projet de loi visant à interdire les marchés publics à la SNCF tant qu’elle n’indemniserait pas les victimes. Le 10 mars dernier, devant l’assemblée du Maryland dans la ville d’Annapolis, des survivants de l’Holocauste et des descendants de victimes, sont venus accuser la société ferroviaire de ne pas avoir assumé sa responsabilité dans la Shoah, selon l’AFP. "Ils ont formé leurs employés pour garder les portes des wagons bien fermées", a déclaré Rosette Goldstein, une survivante de l’Holocauste. Hellen Lightman, petite-fille de déportés, ajoute : "Ils étaient payés par prisonnier transporté par kilomètre. Il faut leur faire payer des réparations pour chaque prisonnier". Alain Leray, président de la SNCF America, s’en est défendu : "La SNCF n’a déporté personne. La déportation des juifs est le fait des nazis. […] La SNCF était un rouage de l’extermination des nazis".
La légitimité de la SNCF remise en cause dans le Maryland
Leo Bretholz, qui s’était échappé d’un convoi pour Auschwitz en 1942, est décédé le 8 mars à 93 ans. A l’initiative d’une pétition en ligne demandant réparation à la SNCF, il devait également témoigner. Dans sa lettre de dénonciation, il s’offusque : "Cette société [la SNCF via Keolis, ndlr] cherche désormais à s’étendre aux Etats-Unis, avec des projets financés par les impôts des victimes. Trop, c’est trop. Il est temps de reconnaître la responsabilité de la SNCF dans l’Holocauste". De 50 000 signataires ralliés à la cause de Leo Bretholz au début du mois de février, leur nombre est passé à 150 000 début mars. A ce jour, ce nombre atteint près de 157 000.
Le candidat retenu à l’issue de l’appel d’offres pour la "Purple Line" sera dévoilé fin 2014 ou début 2015. Aucune restriction officielle n’a pour le moment été prononcée. Par ailleurs, la SNCF avait déjà fait l’objet d’accusations semblables en 2010, pour un contrat en Floride, abandonné depuis.