Passage à l'électrique versus report modal. Les sujets sont liés. En toile de fond d'une décarbonation des transports, toujours cette sempiternelle question du rôle des solutions alternatives à la voiture particulière.
Alors que l’interdiction de nouvelles immatriculations de véhicules à moteur thermique d’ici 2035 suppose une démocratisation croissante de la mise en circulation de moteurs électriques, l’efficacité et la réussite de la transition énergétique du parc automobile français devront obligatoirement s’accompagner par une évolution des infrastructures de recharge. Et ce, tant dans les technologies utilisées que dans leur mise en place sur le territoire national. Des acteurs privés et publics devront se positionner sur ce marché en pleine émergence, si on en juge les réalisations concrètes que tout un chacun peut constater.
Cette problématique concerne ici les véhicules légers, mais elle comporte des similitudes avec les poids lourds sur lesquelles nous reviendrons dans un second temps.
Le maillage du territoire, point clé de la transition énergétique.
Disponibilité de la ressource. Le mettre mot de cette transition. De même qui l’accompagne, le déploiement d’un réseau conséquent d’infrastructures de charge (si on prend le cas de l’électrique). L’association de consommateurs « UFC-Que Choisir » vient justement de publier le 27 novembre une étude sur les bornes de recharge pour voiture électrique. Les pouvoirs publics se sont félicités d’avoir atteint le cap des 100.000 bornes de recharge publiques en France métropolitaine - c’est-à-dire accessibles au public. Mais « l’UFC-Que choisir » se montre sourcilleuse; elle y voit presque de l'autosatisfaction. Et le journal de la consommation de dénoncer le retard de déploiement du réseau de bornes, surtout celles à charges rapides, et de craindre l’apparition durables de « zones blanches » dans le pays. Las.
« L’UFC-Que choisir » pointe dans son étude « le décalage entre la promotion gouvernementale des véhicules et la lenteur du déploiement du réseau de bornes ». L’objectif était de 100 000 point de recharge publics déployés en 2020, un seuil qui a été atteinte en mai 2023. Certains s’en réjouiront au nom du « vous voyez bien… la transition énergétique est un leurre…». Pour notre part, nous trouvons que les choses avancent. S’il fallait faire le bilan des retards en tous genres que connaissent les projets de mobilité, on en finirait pas. Surtout dans un contexte où la programmation des travaux s’est effectuée post-Covid. Une paille ! Si « une accélération du déploiement a récemment été constatée », « l’UFC-Que choisir » doute sérieusement du déploiement annoncé de 400.000 points de recharge en 2030. Elle appréhende « la persistance de « zones blanches » de la recharge publique. L’explication est simple : « l’absence d’une stratégie globale d’implantation sur le territoire ». L’association alerte sur un risque grandissant, si la disponibilité des bornes de recharges ne s’améliore pas rapidement, d’embouteillage de véhicules devant les bornes, cette fois. D’autant qu’on déplore de trop nombreux problèmes de disponibilités. Ainsi, « 39% des bornes de recharge rapides ne fonctionnent pas en permanence».
Des pistes de progrès ?
Or la gestion de ces points de recharge publics est une compétence attribuée aux communes, métropoles ou communautés urbaines selon l’aire concernée (*). Ces entités jouent un rôle dans l’accompagnement du développement de l’électromobilité en France à l’échelle locale, et c’est supposé se produire partout sur le territoire. Pour accompagner la création de cette infrastructure de recharge pour véhicules électriques (IRVE) publique, cette compétence peut être transférée. Il s’agit d’ailleurs peut-être d’un levier puissant pour accélérer le maillage et sa qualité. L’association entre plusieurs communes ou établissements publics ayant reçu la compétence IRVE est prévue par la loi (article R. 353-5-7 du Code de l’énergie). S’il est difficile de parler de mutualisation et d’aboutissement à un schéma directeur unique au niveau régional par exemple - et on peut le regretter -, il existe un véritable enjeu de cohérence des différentes politiques menées.
Le transfert de compétences et la prise de décision à un échelon plus global que celui d’une commune revêt une vraie pertinence pour voir plus loin que la création du réseau. Installer, mais aussi maintenir, en bref exploiter les points de recharge.
Dernier aspect à prendre en compte pour utiliser le potentiel que constitue le transfert de compétences : la nécessaire rencontre entre acteurs publics et privés. En se dotant d’une entité intercommunale prenant en charge la compétence IRVE, il est toujours possible de se tourner vers des acteurs privés de la mobilité et de l’énergie. Qu’il s’agisse de services d’autopartage, de covoiturage vert, de fournisseurs d’énergie ou encore de transporteurs, tous seront à même de faire part de leur expérience.
ENGIE Vianeo participe activement à la densification du maillage territorial des bornes de recharge pour véhicule électrique. « Outre l’accompagnement des collectivités dans leurs plans de mobilité urbains, nous déployons des installations sur les autoroutes, et sommes pleinement engagés sur le marché par destinations. Il s’agit d’équiper les zones commerciales, commerces, hôtels et centre de loisirs pour permettre aux usagers de faire le plein pendant leurs occupations » souligne Didier Liautaud, Directeur général d’ENGIE Vianeo. « L’enjeu de la mobilité lourde est également stratégique pour remporter le défi climatique et accélérer la décarbonation des mobilités. La bonne connaissance des usages et des besoins des professionnels devrait faciliter le développement rapide d’un maillage territorial adapté » selon Arnaud de Frémicourt, Directeur Mobilités lourdes chez ENGIE Vianeo.
"ll y a une complexité dans les prix de la recharge électrique. C’est pourquoi, il est important pour nous d'être très clair et transparent en affichant le prix sur des totems en entrée de stations " précise Didier Liautaud, Directeur général d’ENGIE Vianeo.
L'indispensable transparence...
La question de la tarification de la recharge est très épineuse.. L’UFC-Que choisir regrette notamment « l’absence de règles assurant aux consommateurs la possibilité de comparer les prix ». Ce qui conduit sans surprise à « des aberrations tarifaires ». Les pratiques sont aussi diverses que variées: certains pratiquent une tarification à la quantité d’électricité consommée (kWh), d’autres y associent des frais fixes, d’autres encore des frais de stationnement. Difficile de s’y retrouver.
« Comment un consommateur peut-il savoir si le prix d’une recharge est plus intéressant en s’abonnant à un opérateur qui tarifie à 73% au kilowattheure (kWh) et 27% à la minute ou à un autre qui tarifie à 51% au kWh et 49% à la minute », s’interroge en fin de compte UFC-Que choisir. L’association de consommateurs a réalisé un test de « recharge d’un véhicule sur un échantillon de bornes en ville, sur route et sur autoroute ». Résulat, « sur une même borne, les écarts de prix peuvent être substantiels ». Les différences de tarification sont astronomiques. Par exemple, une différence de tarif de 830% a été constatée en ville avec un kWH dont le prix passait de « 0,39 à 2,12 euros selon l’opérateur ». Ainsi le coût de la recharge d’une Peugeot e-208 à Lyon sur une borne lente peut varier de « 7,35 euros à 68,77 euros selon l’opérateur».
"ll y a une complexité dans les prix de la recharge électrique. C’est pourquoi, il est important pour nous d'être très clair et transparent en affichant le prix sur des totems en entrée de stations " précise Didier Liautaud, Directeur général d’ENGIE Vianeo.
On ne sera pas surpris de lire que l’association de consommateurs réclame « un cadre obligatoire de déploiement des bornes de recharge accessibles au public sur tout le territoire à destination de la mobilité quotidienne et de la mobilité longue distance ». Elle inscrit dans ses préoccupations « un affichage obligatoire, harmonisé et accessible des tarifs de la recharge électrique pour l’ensemble des bornes publiques ». Enfin, UFC-Que Choisir demande un paiement direct par carte bancaire sur les bornes « pour ne pas contraindre les consommateurs à passer par un opérateur de recharge » et « l’ouverture des données sur l’ensemble des prix pratiqués sur toutes les bornes de recharge du territoire ». Le base quoi!
Autant de points saillants qui, s’ils ne sont pas résolus, ne vont pas contribuer à la popularité de la voiture électrique. Ça et son coût. Ça et d’obstinés détracteurs…
La publicité la présente sous des beaux jours - c’est le propre de la pub. Les subventions seraient insusceptibles d’inverser la tendance. Les Français ne sont toujours pas convaincus, en majorité, par les véhicules électriques. C’est ce qu’indique le dernier sondage sur la question réalisé par BVA pour le compte d’AutoJM, un mandataire automobile qui importe des véhicules neufs depuis 1975. 65% d’entre eux estiment que le moment n’est pas propice à l’achat d’une voiture. Voire, 32% des Français ont renoncé à l’achat d’un véhicule cette année, tandis que seulement 15% envisagent d’en acheter une dans les 12 prochains mois. Résultat: 77% des automobilistes interrogés expriment leur souhait de conserver le plus longtemps possible leur véhicule actuel dont l’âge moyen de huit ans est plutôt élevé. Le voie d’un vieillissement du parc est ainsi toute tracée. Conséquence directe d’un pouvoir d’achat qui va mal? Le prix n’est pourtant perçu comme l’unique critère que pour une minorité de Français (29 % pour ceux ayant un projet d’achat; 39% pour ceux n’ayant pas de projet d’achat).
Lire: Le sondage BVA xsight
La complexité n’est pas gage de compréhension. Elle peut même insinuer le doute. Surtout, les véhicules électriques restent très chers et seuls les constructeurs chinois sont aujourd’hui capables d’en produire à des tarifs plus accessibles. C’est pourquoi dans l’étude BVA pas moins de 50% des pro-électriques se disent intéressés par des voitures chinoises…Justement, dans le cadre de la planification écologique et énergétique, et de la stratégie « Industrie Verte », le gouvernement a décidé de conditionner l’attribution du bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique à un niveau minimum de performance environnementale lié à la production du véhicule. Annoncée au printemps, puis dévoilée fin juillet, la réforme du bonus écologique est en marche et se concrétise. Le décret relatif au conditionnement de l'éligibilité au bonus écologique et l’arrêté relatif à la méthodologie de calcul du score environnemental ont été publiés ce 20 septembre au Journal officiel. C’est maintenant aux constructeurs de jouer, afin de finaliser les dossiers de leurs véhicules et de les transmettre au plus vite à l’ADEME. Pour cette année, la première liste des véhicules éligibles au « bonus carbone » doit être connue le 15 décembre 2023.
Définie par l’arrêté relatif à la méthodologie de calcul du score environnemental, la formule de l’« éco-score » (EC = empreinte carbone) est maintenant définitive. On ne rentrera pas dans les détails ici, mais les valeurs utilisées pénalisent avant tout… les pays d’Asie, comme la Chine, l’Inde ou encore l’Indonésie, mais aussi le Japon pour certains matériaux comme par exemple la production de métaux ferreux. Aussi, « le score environnemental est fixé par version d’une variante d’un type de véhicule. Il se compose, pour au moins 70 % de sa valeur, de l’empreinte carbone de la version considérée, sur les étapes du cycle de vie d’un véhicule précédant son utilisation sur route. Le cas échéant, ce score peut tenir compte, pour 30 % maximum de sa valeur, d’éléments relatifs à l’incorporation de matériaux recyclés et biosourcés dans le véhicule, ainsi que de la réparabilité de la batterie », précise le texte (*).
Les nouvelles règles concernant pour le bonus ne seront donc pas connues avant le 15 décembre. Actuellement, pour obtenir cette prime, il faut acquérir un véhicule électrique (ou hybride) de moins de 47.000 euros et d’un poids inférieur à 2,4 t. La nouvelle régulation va se complexifier pour tenir compte du bilan carbone du véhicule. Pour décrocher une aide à l’achat d’une voiture 100% électrique de 5.000 à 7.000 euros selon le profil de l’acheteur, il faudra que le véhicule établisse un éco-score minimal de 60 points sur un total de 100…
*Les constructeurs sont mis à contribution, d’autant plus si les différents modèles électriques de leur gamme ne sont pas tous fabriqués dans la même usine. À titre d’exemple, MG Motor confiait dans une récente interview avoir réussi à récolter à date 70 % des informations nécessaires à la constitution des dossiers de leurs douze véhicules! À noter que le score environnemental s’établit sur un total de 80 points. Pour être éligible au bonus, un modèle devra atteindre au minimum 60 points. Le score peut être de 0 si l’empreinte carbone dépasse un plafond : 21 000 kg eq-CO2 (kilogrammes équivalent CO2) pour les véhicules qui ont au moins cinq places, un coffre de 200 litres et une autonomie de 170 km ; 17 000 kg eq-CO2 pour les petits engins.
Communication: Le prochain salon « Drive to Zéro » se tiendra à l’Hippodrome de Paris Longchamp, du 28 au 29 mai 2024.