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Électromobilité.

Electrique : pour BYD, la patience s’impose en France

Crédit photo Loïc Fieux

Notre marché national est l’un des plus importants en Europe pour les véhicules de TCP, ce qui n’a pas laissé le constructeur chinois indifférent lors de son choix d’implantation industrielle, même si actuellement, l’usine BYD de Beauvais n’assure que la finition des véhicules destinés au marché français.

Tous les constructeurs de bus électriques achètent leurs cellules de batteries auprès de spécialistes du secteur. Tous, sauf deux. Comme le groupe Bolloré avec ses Bluebus, BYD a l’originalité de monter à bord de ses véhicules les batteries qu’il a conçues et fabriquées, cellules comprises. La fabrication industrielle de celles-ci nécessite un savoir-faire et un outil industriel exceptionnels. Hormis BYD, les fabricants de cellules de batteries lithium sont notamment CATL en Chine, LG et Samsung en Corée du Sud, ainsi que Panasonic et Toshiba au Japon. Une élite.

Créée en 1995, l’entreprise BYD l’a été pour produire des batteries montées dans les petits appareils portables, téléphones mobiles en tête. Actuellement, sa production annuelle de cellules correspond à 65 GWh. Employant 220 000 personnes, essentiellement en Chine, BYD est devenu constructeur automobile en 2003 par acquisition de Tsinchuan Automobile Company. L’entreprise s’est ensuite lancée dans les bus et cars électriques dont quelque 60 000 exemplaires ont déjà été livrés. Un chiffre astronomique si on le compare aux scores des ténors européens du bus électriques que sont Solaris et VDL. BYD est également en mesure de livrer des systèmes de transports urbains complets, exploitation comprise. Son monorail Skyrail a été exporté au Brésil, d’abord à Salvador (État de Bahia) en 2019, puis à São Paulo en 2020. Forte de 18 000 brevets, l’entreprise a réalisé un CA de 16,69 milliards d’euros en 2019.

L’exception française

En France, le développement de BYD est plus modeste. « L’usine » de BYD installée près de Beauvais impressionne si l’on considère sa surface de 32 000 m2 et sa capacité de production de 200 véhicules par an. La surface est bien là, mais la production n’est que de dix véhicules pour 2020, la moitié pour l’année précédente. Encore faut-il s’entendre sur ce que l’on appelle « production ». Tous les cars BYD destinés à l’Europe arrivent finis depuis la Chine, y compris celui livré à Drancy le 26 novembre 2020 contrairement à ce qu’annonce le communiqué. Quant aux bus BYD destinés à l’Europe, ils sont assemblés en Hongrie à Komárom, usine qui reçoit tous les organes électriques depuis la Chine.

Grâce au travail réalisé à Komárom, plus de 50 % de la valeur ajoutée des bus BYD livrés en Europe serait européenne selon le code douanier. Il faudrait qu’elle atteigne 60 % pour que BYD soit éligible au programme de subventions français MoéBUS (Mobilité électrique bus). Ce programme a été sélectionné en 2018 dans le cadre des appels à programmes CEE (certificats d’économies d’énergie) du ministère de la Transition écologique. Sans surprise, les véhicules qui passent par Beauvais ne disposent pas du label « Origine France ».

Opérationnel depuis septembre 2018, le site BYD de Beauvais n’assure pour l’heure que des finitions comme la pose de revêtements et l’installation des équipements propres aux réseaux exploitants. Parmi la trentaine de personnes employées par BYD en France, un cinquième travaille dans l’atelier. Tous les autres employés ont des fonctions administratives, commerciales ou après-vente.

Alors, pourquoi BYD a-t-il investi dans cette immense structure beauvaisienne? Monter des barres de maintien ou des sièges, installer une rampe ou un élévateur UFR ainsi que quelques équipements (billettique, information voyageur, etc.) sur une poignée de bus ne nécessite pas une telle infrastructure. Réponse en deux temps. D’abord, l’opportunité. En 2016, Michelin a fermé son site d’Allonne, au sud de Beauvais. BYD l’a repris et annonce un investissement de dix millions d’euros, vraisemblablement lié au foncier. Ensuite, le marché français des véhicules de TCP est l’un des plus importants d’Europe. Y prendre position est donc stratégique. Choix d’avenir, donc.

Par petites touches, BYD place ses véhicules en France. Il y a quatre bus BYD à Beauvais (dont deux pour la navette entre le centre-ville et l’aéroport), trois à Dunkerque, deux à Orléans, deux cars chez Transdev Oise Cabaro pour la ligne Compiègne-Beauvais tandis que Drancy, Romainville, Neuilly-sur-Seine et RATP Dev reçoivent chacun un véhicule. On trouve le midibus BYD à Dunkerque et l’articulé à Orléans où Keolis évalue également les véhicules VDL et Yutong. Bien que les livraisons françaises de BYD soient quantitativement limitées, les utilisateurs français ont désormais mis à la route la quasi-totalité de la gamme (midibus, standard, articulé, autocar). Il y a là un retour d’expériences appréciable pour de futures conquêtes commerciales.

BYD est pénalisé par son absence de référencement par l’UGAP et la CATP. L’objectif est néanmoins d’obtenir le référencement CATP du midibus K7 de 8,7 m en 2021. Parmi les arguments commerciaux de BYD, le recours au CO2 comme gaz frigorigène pour la climatisation évite l’emploi de gaz dont l’effet de serre est beaucoup plus important.

BYD en Europe

En 1998, trois ans après sa création, BYD installait sa représentation européenne à Schiedam (Pays-Bas) afin d’être proche de ses clients industriels européens dans le domaine de la téléphonie mobile, Nokia entre autres. Aujourd’hui, le SAV européen de BYD est implanté aux Pays-Bas d’où les clients français peuvent être livrés en J+1 ou J+2 selon leur éloignement.

Certains constructeurs, notamment Volvo, ont coutume d’annoncer un impressionnant parc roulant électrique, mais le constructeur suédois cumule les hybrides diesel-électriques, les hybrides rechargeables et les électriques purs dans le total qu’il annonce. Lorsque BYD parle de bus et de cars électriques, il s’agit de véhicules 100 % électriques, fonctionnant sur batteries (BEV).

Actuellement, quelque 1 400 bus et cars électriques BYD roulent en Europe, soit 2,3 % de la production totale du constructeur pour cette catégorie de véhicules. Ils sont présents dans une vingtaine de pays européens et répartis entre une centaine de villes, parfois à doses homéopathiques.

BYD, performant en Europe du Nord

BYD concentre ses succès commerciaux européens au Royaume-Uni, au Benelux et en Scandinavie. Le constructeur a déjà un parc roulant de 400 bus électriques répartis entre une vingtaine de villes des pays nordiques. En Norvège, Vy Buss a déjà reçu 15 bus BYD sur une commande de 55 unités comprenant huit modèles de 13 m en classe 2 et sept articulés de 18 m. Dans le même pays, 23 bus de 12 m sont destinés à Unibuss. En Finlande, BYD a réussi un coup de maître en remportant une commande de 106 unités pour Nobina AB qui est le plus grand groupe de transport par bus en Scandinavie. C’est évidemment une commande record en matière de bus électriques pour ce pays qui compte 5,5 millions d’habitants.

Bien que BYD engrange les succès au nord, il ne reste pas inactif en Europe du Sud. En Espagne, sur les terres d’Irizar, BYD a remporté un marché de 30 bus standard destinés à l’EMT de Madrid. Le constructeur chasse également sur le marché national de MAN et de Mercedes et a livré 22 bus de 12 m en Allemagne le 5 octobre 2020. En Hongrie, où BYD assure l’assemblage final de ses bus destinés à l’Europe, le constructeur a livré dix unités à Tüke Busz Zrt pour une exploitation à Pécs.

Le cas du Royaume-Uni est particulier car BYD y a développé précocement une coentreprise avec Alexander Dennis Limited (ADL). Ce choix s’explique notamment par la perméabilité traditionnelle du marché britannique vis-à-vis de véhicules quelque peu exotiques. Aujourd’hui ce partenariat détient 30 % du marché britannique du bus électrique. Responsable grands comptes pour BYD Europe, Julien Bahri rappelle que « partout où BYD a voulu s’implanter dans le monde, il l’a fait avec des usines ». À propos des collaborations avec les autres constructeurs, il ajoute: « Les constructeurs discutent entre eux et ils sont tous actuellement dans une phase de transition. Personne ne sait sur quoi elle va effectivement déboucher, mais il y aura immanquablement des rapprochements entre les constructeurs. Il y a trop d’acteurs sur le marché du bus. Certains disparaitront, probablement les plus petits. »

Les savoir-faire de BYD

Les livraisons françaises de BYD qui se comptent sur les doigts des deux mains pour l’année 2020 ne doivent pas occulter la puissance acquise par l’entreprise grâce à une intégration verticale très poussée. Elle réalise le moteur-roue de ses véhicules lourds électriques, alors que les constructeurs européens achètent leurs moteurs électriques sur étagères. Elle a également sécurisé ses approvisionnements en prenant, dès 2010, une participation de 18 % dans la plus grande mine chinoise de lithium. Alors que la croissance de BYD a été globalement fulgurante, à l’image du boom économique chinois, le constructeur s’est armé de patience vis-à-vis du marché français. Il se souvient que la fameuse commande de 106 véhicules pour la Finlande est le résultat de sept années de travail. Les échelles de temps européennes ne sont pas celles du marché chinois.

Les batteries BYD sont des LFP (lithium-fer-phosphate) tandis que de nombreux acteurs du marché privilégient le NMC (lithium-nickel-manganèse-cobalt) ou bien le LTO (lithium-titanate) lorsque la charge rapide doit être privilégiée. Bolloré se singularise avec son électrolyte solide et sa technologie (lithium-métal-polymère). BYD a l’intention de poursuivre le développement du LFP dont la densité énergétique est actuellement de 150 Wh/kg et qui dispose d’un certain potentiel d’évolution. BYD a d’ailleurs introduit une nouvelle génération de batteries sur ses voitures particulières et l’étendra à terme à ses véhicules lourds. Le fabricant met en avant la stabilité du LFP, gage de sécurité.

BYD réalise ses propres chargeurs qui distribuent du courant alternatif (2x40 kW). Ils ne correspondent pas à la demande européenne qui privilégie les chargeurs à courant continu. En fait, il s’agit de savoir où l’on veut placer le redresseur. L’habitude européenne consiste à le placer dans le chargeur. Or BYD équipe ses moteurs-roues d’un contrôleur qui peut intervenir à la fois en redresseur (conversion de courant alternatif en courant continu) et en onduleur (conversion de courant continu en courant alternatif). Ce dispositif admet une puissance de charge de 40 kW par contrôleur de moteur-roue, une possibilité sous-utilisée en Europe. Elle est néanmoins intéressante dans le cadre d’une distribution d’énergie en smart grid avec réinjection ponctuelle de l’électricité stockée par le bus vers le réseau de distribution (V2G, vehicle-to-grid). Là encore, l’originalité technique de BYD n’est pas exploitée en Europe.

Le cycle de vie des batteries

En Chine, les bus BYD sont remplacés après sept ans, vraisemblablement en raison d’un modèle économique qui favorise le marché de remplacement afin d’assurer l’activité industrielle. Sur le marché européen, tous les constructeurs de bus électriques présents, BYD compris, s’engagent sur une durée de vie de quinze ans pour leurs bus avec remplacement du pack de batteries à mi-vie.

« Ce n’est pas la batterie qu’il faut garantir, c’est sa perte de capacité. Chez la plupart des constructeurs, la durée de vie annoncée pour les batteries a simplement été calée sur leur durée de garantie, cinq à huit ans en général. Le remplacement des batteries à mi-vie relance une garantie complète des batteries pour la seconde moitié de vie du véhicule. Quant à l’adoption d’une nouvelle technologie de batteries lors de leur remplacement, il est envisageable puisque le système de gestion des batteries (BMS) est généralement fourni avec les packs de batteries », rappelle Julien Bahri.

Après une perte de capacité devenue incompatible avec une utilisation sur un bus, une batterie peut avoir une seconde vie à poste fixe en étant associée à une production d’électricité intermittente (solaire, éolien) pour une redistribution dans le réseau à la demande. Elle peut aussi être réutilisée sur des véhicules moins exigeants que les bus, notamment des navettes ou des engins de manutention utilisés sur de courtes distances et à faibles vitesses. Enfin, la batterie doit être démantelée et recyclée. La filière nécessaire est en cours de mise en place et des entreprises françaises comme SNAM sont déjà prêtes à assurer le démantèlement des batteries. Le coût de cette fin de vie serait de 4,5 k€ par tonne de batterie. Il y a 2,5 t de batteries sur un bus, soit un coût de 11,25 k€ pour transformer les batteries d’un bus en matière première pour l’industrie. Quant au bus sans ses batteries, il devra trouver sa place chez les spécialistes de la déconstruction automobile qui ne voient passer actuellement aucun bus. Cette catégorie de véhicules part à l’Est ou en Afrique pour sa dernière vie, ce qui est peu envisageable pour un bus électrique sans batterie.

Beauvais est prêt

À propos de l’avenir du site de Beauvais, Julien Bahri précise que « le but est de réaliser la structure des bus en Hongrie, ce qui comprend l’assemblage de la caisse, sa peinture ainsi que le montage de la chaîne cinématique. La finition et le montage de certains équipements aura ensuite lieu en France ». C’est possible pour les bus puisque le volume des ventes européennes de BYD le permet. Pour l’heure, il n’est pas envisageable d’en faire autant avec les cars qui restent assemblés de Chine. À long terme, une perspective optimiste ferait de Beauvais un site comparable à celui de Hongrie. Beauvais se chargerait dans ce cas de l’assemblage à partir du treillis. Or, ces opérations qui exigent beaucoup de main-d’œuvre ont tendance à quitter l’Europe de l’Ouest.

Avec le bonus PTAC, il est envisageable de faire circuler en France un véhicule à deux essieux pesant 20 t. Cette possibilité n’est pas exploitée par BYD qui se concentre sur des homologations valables à travers l’Europe en s’appuyant sur les CoC (certificat de conformité) et WVTA (approbation européenne de type de véhicule intégral). Il en résulte l’attribution d’un CNIT au modèle (code national d’identification du type), ce dernier remplace le « type Mines » depuis 1995. Le site de Beauvais se charge de l’attribution du CNIT et des essais avant livraison. En attendant une augmentation de ses cadences, sa surface couverte est mise à profit pour le stockage des masques chirurgicaux que BYD est en mesure de produire par millions en Chine.

Midibus (8,7 ou 10,8 m), bus standard (12 m) ou articulé (18 m), mais aussi bus interurbain low entry (13 ou 15 m) et cars (13 m) composent la gamme BYD. Elle est plus large que celles des constructeurs européens. Il y manque toutefois un véhicule BHNS avec look tram dans l’esprit des Irizar ieTram et VanHool Exqui.City. BYD propose la charge par prise ou par pantographe jusqu’à 300 kW. Curieusement, le marketing de BYD tarde à attribuer des noms commerciaux intelligibles à ses véhicules. K7 pour le midibus, K9 pour le standard, K9UE pour le low entry, ou K11 pour l’articulé, voire C9 pour le car sont des appellations internes utilisées faute de mieux. Elles n’ont rien de séduisant et surtout, elles ne correspondent à aucune logique perceptible par celui qui consulte la gamme.

Côté look, BYD a nettement progressé avec son nouveau midibus de 8,75 m présenté à Busworld 2019. À ce jour, ce véhicule n’est pas homologué en Europe. L’attribution de noms évocateurs aux différents modèles ne pourra que faciliter leur diffusion, tout simplement parce qu’il sera ainsi plus facile d’en parler. Quant à l’envol industriel du site de Beauvais, il dépend de l’augmentation des volumes livrés par BYD en France et en Europe.

K7, le midi de BYD

Long de 8,75 m, le K7 profite d’une grande maniabilité en raison de son empattement de 4,35 m. Sa largeur de 2,455 m est originale sur le marché, supérieure aux 2,33 m de l’Heuliez GX137. Monté sur pneus 285/70R19.5, il a un PTAC de 14,5 t y compris les batteries totalisant 174 kWh. Elles lui accordent 200 km d’autonomie selon BYD. Parmi les solutions modernes adoptées pour ce véhicule, on trouve l’emploi du CO2 comme frigorigène, le montage de caméras à la place des rétroviseurs et un système vidéo 360° afin d’éliminer les angles morts autour du véhicule. Avec une capacité de 58 personnes, le K7 est capable de franchir des pentes de 15 %. Le précédent modèle du midibus BYD a été livré à Dunkerque (réseau DK’Bus opéré par Transdev) et a déjà été présenté dans une demi-douzaine de villes françaises.

Loïc Fieux

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  • Loïc Fieux
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