Retour sur le congrès annuel FNTV du 15 novembre 2023 - la table ronde consacrée au « mix énergétique, clé de la décarbonation des autocars
Passons sur l’indispensable maîtrise de l’urbanisation de notre pays; elle est pourtant la cause, s’il en est, de pas mal de déplacements, notamment ceux du domicile-travail, de pas mal de déplacements « en trop » aussi. Elle arriverait tard, cette sauvegarde de l’espace public - pour l’agriculture, pour notre oxygène ou nos loisirs en pleine air, etc. - qu’elle serait malgré tout encore très utile, tant il est aujourd’hui nécessaire de proposer des alternatives à la voiture particulière- surtout, à son usage individuel et exclusif.
Le résultat? 61 % des Français empruntent leur voiture pour aller au travail – 43 % en centre urbain, 55 % en petite couronne et 77 % en périurbain. La voiture s’impose comme leur mode de déplacement privilégié, devant la marche (75 %) et les transports en commun (31 %).
Mais c’est une autre ressource, celle qui pourrait remplacer à terme les énergies fossiles, qui a préoccupé les intervenants de la table ronde consacrée au « mix énergétique, clé de la décarbonation des autocars » (1). La biomasse, les capacités de production de biocarburants, afin de pourvoir aux besoins de plusieurs secteurs - au fil des échanges, on a fini par se demander si cela serait possible ou non.
Les intervenants étaient invités à s’interroger parce que les enjeux en matière de transition énergétique se précisent, pour une part à travers les premières orientations du budget 2024, par exemple en matière d’aides à l’acquisition des nouveaux véhicules ou de soutien à des filières comme celle du biogaz; d’autre part et surtout, parce la « queue de comète » du paquet législatif européen sur le climat va bientôt entrer dans un stade décisif de sa révision au Parlement, le 21 novembre prochain, par un vote en plénière.
Les objectifs en terme de conversion des motorisations se préciseront ainsi bientôt - avant la fin de la présidence espagnole, dit-on, avant les prochaines élections législatives européennes qui auront lieu du 6 au 9 juin 2024 en tout cas. Mais le 21 novembre sera un point d'orgue.
Le sujet n'est pas simple: il a fallu d'abord faire reconnaître les spécificités du transport par autocar, au sein des cas d'usage qui, désormais, permettent de flécher la bonne solution de remplacement. Professionnels, filières entendent maintenant obtenir la consécration d'un mix énergétique, à l'aide des solutions renouvelables de transition. « Le segment spécifique des cars sera le plus difficile à électrifier, encore plus que celui des camions », a prévenu dans son propos introductif Antoine Comte-Bellot, directeur de projet au Secrétariat général de la planification écologique.
Un parc d’autocars électriques, oui, mais de combien?
Pour se rendre compte de l'utilité d'un tel mix énergétique, il faut non seulement s'interroger sur une solution à long terme, mais avoir en tête la progression vers un parc à 100% électrique si, toutefois, une telle orientation devait être consacrée pour de bon. « Nous pensons que 80 à 90% des ventes se feront en bus électriques, tandis que ces parts de marché seront de l’ordre de 30 à 35% seulement pour les autocars, d’ici à 2030 », a-t-il poursuivi. L’autocar lui paraît confronté à un double défi: sur un plan quantitatif et qualitatif. Celui de l’augmentation du nombre de voyageurs pour se présenter comme une alternative à la voiture particulière. Les projets de cars express sont destinés à apporter une première réponse, tout à fait déterminante, compte tenu de l’accompagnement en infrastructures et en qualité de service qui les caractérisent.
Le second défi est bien celui du verdissement du parc d’autocars. « Il y aura du biognv pour des usages qui seront complémentaires à ceux de l’électrique mais là où on peut faire un trajet avec un bus en électrique, il serait dommage d’utiliser du biognv, et plutôt utiliser le biognv pour des usages pour lesquels l’électrique ne sera pas pertinent » a-t-il complété.
A quoi, Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF n’a pas manque de répondre : «Si on ne donne pas le signe des consommations à couvrir en énergies renouvelables, la filière (du biogaz) ne pourra pas correctement se développer ». Et d’alerter, puisque le sujet ne s'invitait pas spontanément au débat : « Il faut se méfier du risque, « il n’y en aura pas assez, donc on ne peut pas en donner, donc on ne laisse pas en produire ceux qui peuvent le faire (la filière de méthanisation) pour à la fin utiliser du gaz pour produire de l’électricité avec un rendement modeste ». C’est dit.
La production peut-elle suivre?
Planification, programmation des infrastructures, priorité aux transports collectifs, …les thèmes n’ont pas manqué qui ont émaillé les présentations des uns et des autres (2). Toutefois, c’est bien de la disponibilité de la ressource énergétique dont, au fond, il a été essentiellement question lors de cette table ronde, ainsi que, il faut également le souligner, des capacités de production des industriels européens. La crise du Covid est passée par là qui a obérer les marges de manoeuvre des constructeurs, alors même qu’il leur fallait en amont s’assurer de nouveaux circuits d’approvisionnement pour produire les nouveaux véhicules, doter ces véhicules de packs batteries, coupler celles-ci avec la chaîne de montage, etc. Stéphane Espinasse, président d’IVECO France a été très clair: « Avec les véhicules au gaz, on s’est senti très seul, maintenant qu’on a une position sur cette solution, on se lance avec une large gamme de véhicules électriques. Mais pour réaliser cela, il a fallu faire d’importants investissements, tous les constructeurs n’y sont pas arrivés ».
De ce point de vue, la filière du "rétrofit" qui était représentée par Emmanuel Flahaut, président directeur général de RETROFLEET ne manque pas d'intérêt. Elle s'appuie sur un savoir faire et peut être déclinée sur plusieurs solutions du mix énergétique, l'électrique ou l'hydrogène apparaissait en tête de gondole de la communication institutionnelle.
Pour Edouard Hénaut, directeur général, TRANSDEV FRANCE, la déclinaison régionale de la transition énergétique est un axe important de la décarbonation du transport routier. Il en a appelé aussi à ne pas privilégier une solution, en l'occurrence l'électrique. Un propos qui a trouvé un écho avec Claire Duhamel, directrice Oléo100 qui, quant à elle, a tenu à souligner le caractère national de la filière du B100. Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des Transports et de la Mobilité durable de la Région Sud a en appelé à plusieurs reprises à une solution essentiellement d'essence politique. La Région Sud s'étant fortement engagée par ailleurs en faveur d'un mix énergétique où l'électrique a parfois tenu la vedette.
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Alors, oui, la transition est avant tout un chemin. Elle provoque pas mal d'incertitudes. Elle demeure inévitable.
Aujourd’hui 80% des autocars répondent aux normes Euro 5 ou 6 (la moitié du parc en norme Euro 6) sur un peu plus de 66000 autocars. Le temps n’est plus à considérer ces progrès, pourtant bien réels, de mettre en place des formations d’écoconduite (pour les véhicules thermiques) etc. Le résultat global demeure, on le sait aujourd’hui, insuffisant au regard des objectifs de réduction des émissions de CO2.
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La Commission propose d’imposer aux constructeurs une réduction des émissions de CO₂ de leur flotte de poids lourds de 45 % en 2030, 65 % en 2035 et de 90 % en 2040, par rapport à 2019.
Les États maintiennent les objectifs proposés par la Commission pour les poids lourds et autocars. Ils intègrent les bus interurbains ou régionaux à ces objectifs (ils étaient auparavant soumis aux objectifs des bus urbains).
En cours de négociation. Les députés ont adopté, en commission de l’Environnement, les mêmes objectifs que la Commission pour les poids lourds, sauf pour celui fixé en 2035 à – 70 % au lieu de – 65 % dans la proposition de la Commission. Les bus interurbains sont intégrés dans ces objectifs, et plus dans ceux des bus. Le vote en plénière au Parlement est programmé le 21 novembre.
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Au sein des émissions dues aux transports intérieurs, le mode routier demeure en effet responsable de la grande majorité des émissions. De plus, elles ne baissent pas (2). Pour élaborer une nouvelle réglementation, auront été successivement saisis, la Commission, pour sa proposition initiale, et c’est son rôle, le Conseil et le Parlement européen, car le processus implique un trilogue. A son terme, chacun aura peu se faire une idée des positions des uns et des autres, aussi bien au niveau des institutions, qu'au niveau de chaque pays. Cétait bien à cet exercice que les officiels présents devaient s'essayer, Clément Beaune, le ministre délégué aux transports en tête qui a déclaré au peu plus tôt dans l'après-midi que 2030, pour le passage à l'électrique, était un objectif ambitieux. Sa proposition précise, on ne l'a pas entendue. C'était pourtant le lieu.
Car cette transition, qui est avant une option politique fondée sur des données scientifiques, est aussi le début d'une aventure industrielle. Et là...
(1) Les intervenants et les sponsors
Stéphane Espinasse, président d’IVECO France; Emmanuel Flahaut, président directeur général de RETROFLEET; Edouard Hénaut, directeur général, TRANSDEV FRANCE; Antoine Comte-Bellot, directeur de projet au Secrétariat général de la planification écologique; Laurence Poiriez-Dietz,directrice générale de GRDF; Claire Duhamel, directrice Oléo100; Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des Transports et de la Mobilité durable de la Région Sud
Et les sponsors, les éditeurs de logiciels ABC Informatique et Perinfo; les marques d’autocars Iveco Bus, Daimler Buses (marques Mercedes-Benz et SETRA), Otokar, Safra, Van Hool, Volvo et Yutong; l'organisme de formation Aftral; l'institution de prévoyance Carcept Prev; les fournisseurs d'énergie GRDF et Oleo 100; un spécialiste du remplacement de vitrage Glazing; et l'organisme de financement Bail Actea.
(2) Au total, 94,9 % des émissions (soit 119,6 Mt CO2 eq) sont attribuables au transport routier, dont 53 % proviennent des voitures particulières, 27 % des véhicules lourds et 15 % des véhicules utilitaires légers. 74 % des émissions attribuables au secteur des transports sont générées par des véhicules à motorisation diesel, lesquels dominent très largement dans le segment autocars.