Au moment où les tour-opérateurs britanniques rapatrient de nouveau en masse leurs clients en Tunisie, les TO français constatent surtout des reports de leur clientèle groupe sur d'autres destinations, mais aussi des inscriptions invidivuelles pour la Tunisie.
Les compagnies aériennes et tour-opérateurs britanniques ont prévu ce week-end des vols supplémentaires pour rapatrier les 3000 clients d'Outre-Manche en vacances en Tunisie. Le Foreign Office a modifié le 9 juillet dernier ses recommandations concernant cette destination. Au moins 30 sujets de sa Majesté ont péri dans l'attaque d'un complexe hôtelier de Sousse le 26 juin qui a fait au total 38 morts. Le ministère britannique des Affaires Etrangères invite les touristes à rentrer en Grande-Bretagne. Et les tour-opérateurs n'ont pas l'intention de contrer cet avis. "Une nouvelle attaque terroriste est hautement probable" en Tunisie, justifient les autorités britanniques.
Tout en coopérant avec Tunis pour renforcer la sécurité dans le pays, Londres estime qu'il reste encore beaucoup à faire en Tunisie pour "protéger de manière effective les touristes de la menace terroriste". Le ministère belge, de son côté, a déconseillé "momentanément tous les voyages vers la Tunisie". L'Auswärtiges Amt allemand n'a pas modifié son appel à la vigilance après l'attentat de Sousse/El Kantaoui. De même le Quai d'Orsay. Tout en rappelant également que le gouvernement tunisien avait restauré l'état d'urgence dans le pays le 4 juillet, il s'en tient pour l'instant à sa recommandation invitant les ressortissants français "à être particulièrement vigilants". Sur la carte éditée par le ministère français des Affaires Etrangères, la Tunisie touristique demeure largement en jaune, synonyme de vigilance renforcée. Les régions frontalières de l'Algérie, au nord comme au sud, et de la Libye à l'est, sont en revanche formellement déconseillées.
Report quasi général
Le Syndicat des entreprises du tour-opérating (Seto) a permis jusqu'à ce vendredi 10 juillet que les clients en partance ou qui avaient réservé jusqu'au 31 octobre prochain un voyage à forfait pour la Tunisie bénéficient de la possibilité d'un report sans frais de leur départ dans la limite de 12 mois après la date de l'attentat de Sousse. Un report, dans les mêmes conditions, vers d'autres destinations est accordé aux clients qui en font la demande.
De fait, c'est ce qui s'est passé. "Nous avions une dizaine de groupes inscrits sur la Tunisie pour cet été, raconte Ange Derment, directeur du pôle Groupes de Transat France (qui gère aussi Look Voyages), tous ont reporté leur voyage sur d'autres destinations". La Crête, la Grèce continentale, l'Andalousie et la Sicile ont cette fois été retenues. Thomas Cook observe le même mouvement. "Les îles grecques comme la Crète et Rhodes ou les îles espagnoles, Baléaires et Canaries, sont apparues comme des solutions de remplacement" pour les touristes qui préfèrent éviter la Tunisie depuis le dernier attentat. Si les huit premiers jours qui ont suivi ce massacre ont effectivement vu les ventes s'effondrer, deux semaines plus tard il y a "de nouveau des bookings en individuel" pour la Tunisie, observe Thomas Cook.
Il est toutefois évident que la Tunisie n'avait de toute façon pas retrouvé, malgré les campagnes du printemps positivant la destination, l'attrait qu'elle exerçait avant auprès des touristes français. "Nous n'avions aucun groupe d'inscrit sur la Tunisie", indique Stéphane Le Pennec, directeur général de Salaün Holidays, qui propose un circuit qui visite l'essentiel du pays et un séjour à Djerba. En revanche, en tant que revendeurs via ses agences de voyages, le groupe breton observe une nette désaffection pour la destination depuis.
Calme avant, chute libre après
L'été a donc très mal commencé en Tunisie pour le tourisme, mais l'avenir est aussi compromis. "Avant même l'attentat, c'était déjà assez calme pour les réservations automne-hiver", remarque Ange Derment qui a même enregistré l'annulation d'un grand groupe qui était fidèle à la destination chaque année en cette saison. Des reports ont été enregistrés, les entreprises s'opposant à ce que leur comité d'entreprise organise des voyages de salariés vers la Tunisie. Pour les groupes d'amis ou les associations, la décision ne relève pas d'un tiers et les membres du groupe peuvent chacun librement se prononcer sur le choix de la destination et éventuellement renoncer à la Tunisie ou la maintenir.
L'attaque meurtrière de Sousse peut avoir des répercussions bien au-delà de la Tunisie. Le Maroc, autre destination d'Afrique du Nord très prisée des Français, risque d'en faire les frais. Toutefois, "nous n'avons enregistré aucune annulation sur le Maroc et, par exemple, rien que ce matin, trois groupes se sont inscrits pour cette destination", révèle Ange Berment qui remarque un regain d'intérêt pour l'hiver prochain à destination d'Agadir. Salaün Holidays de son côté ne cache pas que 2015 est "une mauvaise année" pour le tourisme de groupe vers le Maroc, alors que 2014 avait connu un rebond de l'ordre de 50% des inscriptions. "Peut-être que la grande période des réservations pour le Maroc, à l'automne et à la fin de l'hiver, modifiera ces premières impressions", concède Stéphane Le Pennec.