Entre ses dettes béantes, un possible redressement judiciaire et la grogne des syndicats en grève depuis dix sept jours, la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) est au cœur de l’actualité. Retour sur les dernières turpitudes de la compagnie à travers cinq dates-clés.
Le dossier de la Société nationale Corse Méditerrannée (SNCM) est une véritable petite bombe. Les conflits presque historiques entre les syndicats de marins et l'actionnariat (324 accords de sortie de crise recensés depuis sa création), et la santé très fragile de la compagnie, mettent à mal les navires bleus et blancs, qui relient Marseille, la Corse et le Maghreb. Ces dernières semaines, particulièrement tendues, ont révélé le sac de noeud - digne des meilleurs marins - dans lequel s'est enchevêtrée la SNCM. Voici un historique en cinq dates-clés pour démêler les tenants et aboutissants de la crise qu'elle traverse.
20 novembre 2013
La Commission européenne accuse la SNCM
Suite à sa restructuration étalée sur plusieurs années, la compagnie maritime a bénéficié d’aides de l’Etat sous plusieurs formes (apport en capital, avance en compte courant au titre de mesures sociales en faveur des salariés, augmentation supplémentaire de capital). La Commission européenne, qui approuvait jusqu’alors cette recapitalisation, a finalement déclaré ces aides illégales. La compagnie avait déjà été condamnée à verser 220 millions d’euros pour les mêmes motifs au mois de mai 2013. Dès lors, la SNCM est tenue de rembourser au total 440 millions d’euros à l’état français, son chiffre d’affaires étant de moins de 300 millions d’euros.
Ils ont dit…
"Ces aides étaient incompatibles avec les règles de l'Union européenne et créaient un avantage indu sur le marché au bénéfice de la SNCM. Elles doivent maintenant être recouvrées par la France".
La Commission européenne (communiqué de presse, 20 novembre).
28 mai 2014
La nomination d’un nouveau patron soulève les syndicats
Le conseil de surveillance de la SNCM se réunit pour désigner un nouveau président à la tête de la compagnie. Composé de Transdev, actionnaire majoritaire avec 66% des parts de la SNCM, et de l’Etat, qui en détient 25%, le conseil a choisi de remplacer Marc Dufour par Olivier Diehl à la présidence du directoire. Avec ce départ s’envole également le plan long terme (PLT) mis sur pied en 2013, et approuvé par les syndicats. Le plan prévoyait 515 départs volontaires (sur 2600 salariés) contre une commande de quatre nouveaux navires. Dès ce jour, les syndicats déposent un préavis de grève pour juin.
Ils ont dit…
"Nous souhaitons permettre à la SNCM de se construire un avenir, qui ne soit ni la liquidation, ni la fuite en avant".
Jean-Marc Janaillac, Pdg de Transdev (Les Echos, 12 mai).
24 juin 2014
Les syndicats se mettent en grève pour la reprise du plan long terme
Alors que la saison touristique débute, les marins de la SNCM, à l’initiative de la CGT, le syndicat représentatif, immobilisent les navires entre Marseille, la Corse et le Maghreb. Cette longue grève, la troisième de l’année, sert à revendiquer la reprise du plan long terme (la commande de quatre navires contre 500 départs volontaires), tandis que la direction et les actionnaires de la SNCM demandent à l’Etat de se positionner pour éviter les lourdes pertes d’une "prise en otage" de la Corse, isolée par la grève.
Ils ont dit…
"Nous réclamons que les actionnaires, dont l'Etat, respectent leurs engagements (...) La grève, si elle se tient, sera de l'entière responsabilité du gouvernement".
Frédéric Alpozzo, secrétaire général de la CGT-Marins à Marseille (AFP, le 24 juin).
5 juillet 2014
Frédéric Cuvillier évoque un "redressement judiciaire"
Le "redressement judicaire" est lâché par Frédéric Cuvillier, secrétaire d’Etat chargé des Transports, dans La Provence. L’Etat se range finalement du côté de Transdev, pour tenter d’éponger la dette de 440 millions de la SNCM, imposée par Bruxelles, en créant une nouvelle société. Les grévistes, fermement opposés à cette mesure, poursuivent leur mouvement. Le 3 juillet, des violences entre cégétistes et commerçants corses, inquiets de leur isolement, éclatent à Porto Vecchio. Une réunion est organisée le 7 juillet à Marseille entre les dissidents et un médiateur désigné par l’Etat. Parallèlement, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, Jean-Noël Guerini, président du conseil général des Bouches-du-Rhône, et
Guy Teissier, président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, réclament un moratoire de quatre mois minimum pour geler les procédures judiciaires.
Ils ont dit…
"Dire que la SNCM, qui est exsangue, peut payer le renouvellement de sa flotte est un mensonge".
Frédéric Cuvillier, secrétaire d’Etat aux transports (Twitter, le 7 juillet).
10 juillet 2014
Les syndicats votent la fin de la grève
Après dix sept jours de grève, les syndicats suspendent leur mouvement. Les marins doivent reprendre la mer dans la soirée. Pour l’heure, le moratoire de quatre mois a été retenu, via un accord, signé le 9 juillet, qui permet de reporter un éventuel redressement judiciaire. Dans un communiqué, Frédéric Cuvillier s’est félicité de cette décision et "appelle toutes les parties à œuvrer désormais ensemble pour bâtir une nouvelle SNCM". Ce délai convenu permettra aux parties prenantes de trouver de nouveaux actionnaires. Antoine Frérot, Pdg de Veolia Environnement qui co-détient à parts égales Transdev avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), a déclaré ce jeudi sur BFM qu’il était prêt à céder sa participation dans la SNCM pour un euro symbolique. Le Premier ministre, Manuel Valls, devrait recevoir aujourd’hui, 10 juillet, "les représentants du monde économique et social de la Corse pour parler de mesures de compensations", selon ses propos, tenus le 9 juillet à l’Assemblée nationale.
Ils ont dit…
"Le préavis est retiré mais si d’ici décembre, aucune solution pérenne n’était trouvée, ce que nous ne souhaitons pas, il pourrait y avoir le dépôt d’un nouveau préavis".
Frédéric Alpozzo, secrétaire général de la CGT-Marins à Marseille (AFP, le 10 juillet).