Président du conseil général de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg revient dans une interview à Bus & Car sur le choix de créer une société publique locale (SPL) pour gérer le réseau de transports collectifs de son département.
Bus & Car : Quel a été l'élément déclencheur de votre choix d'une société publique locale (SPL) pour gérer le réseau Buscéphale ?
Arnaud Montebourg : "En fait, nous avons accumulé les expériences négatives avec les délégations de service public ces trois dernières années. Notre département a vécu une période difficile financièrement, nous avons été obligés de réduire nos dépenses de 10%. Or, il nous a été impossible de faire évoluer l'offre de transport. Nous sommes face à des services mal rendus, non flexibles, trop coûteux et bloqués dans le cadre de DSP bien trop longues. Nous nous heurtons à une rigidité insupportable des groupes qui ont exclu les PME des marchés, et à leur entente de fait et de droit, ce qui est parfaitement mis en lumière par la fusion récente de deux d'entre eux.
Comme ces opérateurs refusaient de prendre en considération des demandes liées à l'état des finances publiques, ou réclamaient des compensations hors de propos, nous avons décidé d'affronter ceux qui vivent de la rente territoriale. Notre mission est de fournir un service à la population, nous refusons que les groupes étrillent le contribuable. Le schéma directeur des transports dont nous avons hérité en 2008 n'était pas satisfaisant, nous n'avons pas pu le revoir avec les opérateurs, nous en avons tiré les conséquences.
Pourquoi avoir choisi une SPL plutôt qu'une régie ?
Mais cette SPL nous permettra d'exploiter en régie et nous donnera les moyens de peser sur le débat concurrentiel. D'ailleurs, pour d'autres services que le transport, nous avons décidé aussi d'un retour au public.
Le principe d'une SPL impose au moins deux collectivités actionnaires, qu'elle sera la seconde ?
La région Bourgogne sera cette deuxième collectivité. Elle réfléchit d'ailleurs à la possibilité de nous confier la gestion d'une partie des services TER dont elle a la responsabilité, ce qui, là aussi, serait une première en France.
Quelle ligne de conduite donnerez-vous à cette SPL ?
Ce n'est pas, bien entendu, le conseil général qui gérera cette structure, ces services seront professionnalisés avec un objectif de résultat. Nous n'avons aucune vision dogmatique, nous rechercherons le meilleur rapport qualité/service et entendons travailler ligne par ligne. À titre anecdotique, trente ans après ce que j'appelle la privatisation des services de transport, notre département est encore propriétaire de certains parkings et dépôts que nous avons refusé de vendre. Nous allons les réemployer.
Dans le même registre, nous reprendrons l'ensemble des personnels affectés aux lignes que nous gérerons à travers la SPL, comme le veut l'article L 122-12. En revanche, nous n'avons encore pas pris de décision concernant le matériel. Par ailleurs, nous avons déjà imposé un tarif unique à 1,50 euro, ce qui, en soit, est un acte politique. Notre objectif étant de concurrencer l'automobile, nous pouvons d'ores et déjà nous satisfaire d'une augmentation de 25% du trafic voyageurs sur le réseau Buscéphale. Mais nous étudierons la demande au cas par cas pour pouvoir améliorer l'offre.
Avez-vous déjà chiffré les économies que vous pourriez réaliser à travers cette SPL ?
Dans notre budget 2011, nous allouons 30 millions d'euros au transport, le seul poste qui n'a d'ailleurs pas connu de diminution sensible, dont 25 millions pour les transports scolaires et 5 millions pour le réseau Buscéphale. Dès le 1er janvier 2012, nous allons reprendre la ligne 7 du réseau en gestion directe. Elle représente 45% du trafic total de Buscéphale et, pourtant, elle est déficitaire de 900 000 euros. Nous sommes convaincus de pouvoir faire mieux que notre délégataire actuel. Nous serons donc prêts pour reprendre en main le reste des 24 autres lignes du réseau entre juillet 2012 et 2016, dates d'échéance des différents contrats. Il me paraît évident que nous ne pourrons pas attendre de substantielles économies sur une seule ligne et sur un an. En revanche, elles peuvent être significatives sur plusieurs années.
Quel impact la création de cette SPL pourrait-il avoir sur le tissu des PME du transport de voyageurs en Saône-et-Loire ?
Notre objectif n’est absolument pas d’affronter les PME du secteur. Globalement, je pense qu’elles sont mécontentes de la mainmise des groupes sur les marchés. Nous aurons 129 services scolaires en appel d’offres en 2012, les PME pourront donc pleinement répondre sur ces marchés.
En revanche, notre SPL pourrait effectivement en exploiter si nécessaire, en cas par exemple d’appels d’offres infructueux. Nous sommes pragmatiques, ce que nous souhaitons, c’est répondre avec souplesse aux besoins de la population. Et puis, rien n’empêchera les PME de travailler avec la SPL, en sous-traitance par exemple. Je les ai réunies récemment, et je crois qu'elles ont compris qu’elles ne seraient pas exclues."
Propos recueillis par Pierre Cossard et Xavier Renard
→ Lire l'intégralité de cet entretien dans Bus & Car n°876 du 11 au 25 mars 2011 :
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