Le premier tram-train de France a été inauguré le 11 décembre 2010 à Mulhouse (Haut-Rhin). Une alternative originale à la saturation du trafic routier entre un centre ville et sa périphérie, mais le pari n'est pas gagné.
La nouvelle ligne de 22 kilomètres du tram-train part de Thann, chef-lieu de la vallée de la Thur au pied des Vosges. Les rames construites par l'allemand Siemens circulent sur la ligne de chemin de fer existante, puis sur 4 kilomètres de voies spécifiques avant de desservir sept stations du tramway de Mulhouse et de terminer leur parcours à la gare, le tout à raison d'une rame toutes les demi-heures.
L'idée remonte à 1995 et revient à Jean-Marie Bockel, actuel président de la communauté d'agglomération de Mulhouse, qui l'a importée de la ville allemande pionnière de Karlsruhe. Le train classique, qui est maintenu entre Mulhouse et Thann, n'a en effet pas permis d'empêcher l'engorgement du trafic routier sur la RN 66, l'axe parallèle au chemin de fer.
Une réponse séduisante pour le périurbain
Les concepteurs du tram-train - la région Alsace et la communauté d'agglomération de Mulhouse maîtres d'ouvrage, les exploitants SNCF et Soléa (groupe Transdev) - comptent doubler la fréquentation de la ligne de chemin de fer, soit 2 500 voyageurs supplémentaires par jour. Ce chiffre délesterait d'environ 15% le trafic de la RN66, selon les estimations de la Région Alsace.
Selon les partenaires du tram-train, ce nouveau moyen de transport devrait séduire les habitants de la vallée de la Thur qui, pour se rendre à Mulhouse, étaient jusqu'à présent réticents à prendre le train en raison de l'éloignement de la gare de Mulhouse par rapport au centre-ville. "Les usagers occasionnels représentent 80% du potentiel de croissance", observe Dominique Devin, responsable des TER d'Alsace à la SNCF.
Selon Joël Lebreton, PDG de Transdev, le tram-train apporte une réponse aux importants flux de circulation entre l'entrée et la périphérie des villes. "Si les déplacements en zone urbaine dense sont désormais bien traités grâce aux tramways, beaucoup reste à faire dans le périurbain. Mulhouse ouvre donc une nouvelle étape qui sera riche en enseignements", explique-t-il.
Mais un projet inachevé
Le projet de 150 millions d'euros rencontre toutefois des critiques, notamment des élus de la vallée de la Thur et l'association d'usagers TET (Thur Ecologie et Transports). Ils craignent que la nouvelle offre fasse fuir l'utilisateur régulier du train en raison de quelques horaires inadaptés, d'un temps de parcours nécessairement rallongé jusqu'à la gare de Mulhouse, et surtout du changement à opérer à Thann en venant du fond de vallée: avant d'embarquer dans le tram-train, ces usagers-là devront d'abord emprunter le train classique.
Prévu initialement pour desservir toute la vallée, le tram-train a en effet été arrêté à Thann pour des raisons budgétaires. Ce choix le prive d'un gisement d'utilisateurs identifié comme le plus important par les études préalables, estime François Tacquard, président (SE) de la communauté de communes de Saint-Amarin. "C'est se tirer une balle dans le pied", déclare-t-il. La réalisation complète n'est pas abandonnée, mais elle dépendra du succès commercial de la première phase, rappelle la région Alsace, pour qui le nombre d'usagers pénalisés restera marginal.
Le président de TET Daniel Walter fait valoir que 25 sur 45 usagers du train interrogés par son association ont déclaré vouloir reprendre leur voiture ou "hésiter à continuer à voyager en train". "On ne sent pas d'adhésion enthousiaste dans la vallée", regrette-t-il.
Vidéo : le tram-train lors d'un essai en mai 2010